Quand on pense au manga, et plus particulièrement au shonen, Dragon Ball est un titre incontournable. Les inénarrables aventures de Goku et ses amis ont en effet tout pour plaire, surtout à un jeune public : un humour simple et efficace (quoiqu'on puisse reprocher à Toriyama d'avoir des tendances pipi-caca, mais c'est bien moins pire que dans Dr Slump), un rythme très explosif et riche en retournements de situations, et une narration propre, graciée d'un style très distinctif. Bien qu'il ne puisse pas être au goût de tout le monde, il a le mérite d'être très expressif et riche en détails, ce qui se ressent particulièrement sur les illustrations de titre ou les véhicules.
Le manga débute avec très peu de prétention, et les péripéties du petit Goku s'enchaînent avec tant d'éléments burlesques qu'on a du mal à croire que Toriyama avait prévu à l'avance son scénario. Cependant, le manga a déjà établi sa principale force : il est parfaitement capable d'accrocher son lecteur à lire ses chapitres les uns après les autres avec beaucoup de plaisir tant on ne peut pas savoir à quoi s'attendre. S'ajoutent à cette grande qualité des combats très bien exécutés, sans faute dans leur lisibilité, et avec ce qu'il faut d'exagération pour faire sourire. Ce genre de maîtrise ne se retrouve, au final, que dans peu de nekketsu.
Là où le bat blesse, et je ne vais pas être original en disant ça, c'est lorsque Goku devient adulte. Le rythme de la série change complètement, puisque les arcs deviennent bien plus définis et différenciables les uns des autres (un schéma en réalité adopté dès l'apparition de Piccolo premier du nom). Les combats vont se faire beaucoup plus nombreux et sérieux, tandis que les personnages secondaires perdront en importance au fur et à mesure (car devenus trop faibles à côté de Goku). Malheureusement, le dessin en pâtit lui aussi ; certaines cases des arcs de Cell ou Buu sentent le stress des délais approchant, et les premiers arcs ne nous avaient pas habitués à un trait aussi rushé. Et c'est justement ces deux derniers arcs qui s'éloignent le plus de l'esprit original de la série : celui de Cell est très sérieux tandis que celui de Buu assume son n'importe quoi jusqu'au bout ; mais l'un comme l'autre s'affranchissent complètement du concept de chasse aux Dragon Balls.
Malheureusement, à ce stade, l'univers est extrêmement dénaturé. Le fait que Goku soit le seul à pouvoir sauver le monde est un acquis et tous les autres personnages passent à la trappe (excepté Vegeta et quelques interventions désespérées des autres). Et le comble, c'est de voir les personnages répéter qu'on s'en fout si le monde est détruit puisqu'il y aura les Dragon Balls pour réparer ça. À ce stade, le manga a de plus en plus de mal à se renouveler, malgré des tentatives très judicieuses lors du dernier arc (je pense à Gotenks). On sent qu'il a trop duré et qu'il était censé se conclure bien avant, probablement à la fin de l'arc Namek.
Le plus frustrant de la partie adulte est sans doute, à mon sens, d'avoir vu cette multitude de personnages très intéressants être exposés pour ne plus servir à rien. Même Krilin, l'ami d'enfance de Goku, ne se bat plus (ou presque plus) une fois adulte « parce que Goku est plus fort ». Même Piccolo, lui aussi un extraterrestre, fils du plus grand antagoniste de l'enfance de Goku, est relégué au dernier plan. Il ne reste plus que Goku, Vegeta, leurs fils, et les antagonistes. Pourtant, tous les autres personnages continuent d'apparaître, mais seulement en tant que figurants. Pourquoi ? Tant de potentiel inexploité ! Je pense que c'est ce qui m'a le plus attristé lors de mes relectures.
Mais bon, je serais mauvaise langue de ne pas avouer que j'ai grandi avec ce manga et que je vois au-dessus de ses défauts parce qu'il est avant tout pour moi un beau symbole de la persévérance et de l'effort. Et c'est aussi pour cette raison que j'aurais tendance à le mettre entre les mains d'un enfant qu'on me demanderait d'élever.