Point de méprise ! Cette tout innocente couverture ne dissimule ni une fable animalière pour enfants ni une tentative de vulgarisation pédagogique sur la vie du vulpes zerdas. Et si ce petit mignon rouquin de fennec, car c'est bien de lui qu'il s'agit, est le héros principal d'un voyage (faussement) initiatique, oubliez les paroles moralisatrices ou les enseignements plein de sagesse. Ici, c'est l'humour grinçant et acide qui règne en maître.
Au travers de strips de quatre à six cases, on suit le périple de notre sympathique et pas moins cruel nouvel ami aux longues étiquettes. De péripéties en rencontres, c'est toute une galerie animale qui nous est donnée à découvrir. Et bien que les protagonistes soient doués de parole, Lewis Trondheim prend le contre-pied d'un anthropomorphisme tentant en nous les livrant dans leur plus simple appareil bestial et intellectuel, les exhibant plus Bête qu'ils ne sont bêtes. Autant dire que c'est la loi de l'instinct naturel qui prédomine. On tue, on bouffe ou l'on se fait bouffer ! Et comme si les règles de la chaîne alimentaire n'étaient déjà pas assez rudes, on a droit à une couche de cynisme supplémentaire sur cette succulente toile de fond où s'enchaînent les gags efficaces. On glisse de la répartie cinglante à la situation absurde en passant joyeusement par le pipi-caca, le tout pataugeant, pour notre meilleur plaisir, dans le crétinisme, l'irrévérencieux ou la méchanceté gratuite.
Le décalage apporté par le trait de Yoann en est d'autant plus savoureux. Ses aquarelles sont réellement superbes. Dans des tons pastel, fins et légers, il croque sa nombreuse ménagerie en caricatures subtiles, mélanges de beauté et d'élégance qui préservent néanmoins tout le potentiel burlesque de l'œuvre. Les décors sont sobres, voire quasi absents, mais habilement suggérés par d'intelligentes variations de couleurs et d'ambiances. Un délice.
On veut une suite !