Game Over
5.9
Game Over

BD franco-belge de Midam (2004)

Trop d'échecs potentialise l'échec

La série Game Over ne manque pas d'un certain génie vis-à-vis de l'imagination sans bornes dont justifie Midam pour massacrer son Petit Barbare et sa Princesse des manières les plus inventives et les plus cocasses possibles ; en beaucoup moins de 23 tomes, n'importe qui aurait vite jeté l'éponge par manque de procédés ou de joie de vivre et aurait préféré se tailler les veines dans sa baignoire, un nœud coulant vissé au cou après une ingestion massive d'anxiolytiques. J'espère sincèrement, à ce niveau-là, qu'aucune pensée suicidaire ne hante quotidiennement le créateur de Kid Paddle au moment où j'écris ces lignes...


Laissons-lui même le bénéfice de l'encouragement vis-à-vis d'un second type de génie : celui de parvenir à faire demeurer au rayon Enfants des Fnac, Gibert-Joseph et autres médiathèques locales une série aussi gore et riche de démembrements, mutilations et autres éviscérations même pas suggérées. On vous l'aurait publié dans les années 80, le gusse aurait pas eu d'autre choix que de se reconvertir dans la reprise de fripes gracieusement déposées par le commun de la bourgeoisie parisienne, je ne vous dis que ça...


Le problème dans tout ça c'est que l'imagination, si fertile soit-elle, j'aimerais bien qu'elle soit gage de qualité... Mais force est de constater le contraire. Les premiers tomes de la série, en parallèle des (més)aventures du même acabit contées par chez Kid Paddle, possédaient encore ce petit charme bien à eux malgré la répétitivité parfois assez exaspérante du concept.


Seulement voilà ; à partir du moment où Midam a décidé de complètement désolidariser Game Over des aventures de son jeune gamer décérébré (et je ne parle que là des intermèdes mettant en scène ses soirées jeux entre potes rythmant le début, le milieu et la fin des premiers tomes), le peu d'intérêt dont pouvait déjà se targuer la série n'en a pas fini de s'étioler. En regard, justement, de la vacuité de la chose, comme de la débilité de la plupart des ressorts dont l'auteur a décidé de faire son beurre.


On pourrait bien évidemment prendre le parti du rire systématique vis-à-vis des décès les plus grotesques comme les plus insipides d'un personnage inspirant la plus énigmatique des affections, à l'instar du kiff que vous (ouais désolé mais moi j'aime pas) puissiez prendre en binge watchant Happy Tree Friends. Mais en 23 tomes (et encore, ça m'étonnerait que Midam soit venu à bout du sadisme caractérisé témoigné envers son personnage...) recyclant éternellement le même concept, les problèmes ne se cantonnent plus exclusivement à une simple question de format.


Dès les premières pérégrinations du Petit Barbare exposées par chez Kid Paddle, l'essentiel des ressorts comiques employés reposaient sur l'absurdité des mécaniques du support vidéoludique. Même s'il demeure encore aujourd'hui difficile de réellement se positionner dessus, la moitié de ses aventures ne nécessitant qu'un reset une fois comprise la mécanique du game design exposé, l'autre moitié demeurant proprement impossible à résoudre malgré toute la meilleure volonté du monde, pourquoi pas. Cela dit, une fois franchi le cap des quatre ou cinq tomes du même acabit, à quoi bon s'évertuer à s'enfoncer dans ce genre de pauvreté scénaristique ?


La plus grande majorité des bédéistes affiliés et des étudiants en école de neuvième art s'accorderont à affirmer que la BD humoristique est vouée à l'échec sans une indéniable maîtrise du rythme, ET SURTOUT DE SON MAINTIEN lorsqu'on parle de séries – c'est d'ailleurs pour ça que l'aréopage des Profs, Titeuf et autres Ducobu ne présentent plus le moindre intérêt depuis déjà un certain temps. Et même si Game Over a brillamment su maintenir à flots cet aspect de son univers, l'absurdité du concept ne justifie guère, pour le coup, la facilité dans laquelle il choisit de s'enfermer.


Les évidents efforts de Midam pour diversifier le concept de Game Over demeurent hélas insuffisants pour en rehausser la platitude. À plus forte raison en l'absence des coups de gueule de Kid face à ses échecs, infiniment plus comiques – toute proportion gardée – que la mise en image très inventive, reconnaissons-le, des "Game Over" ponctuant chaque planche de la série. Leur variété et l'imagination avec laquelle Midam les dessine, à l'instar du reste, ne suffira malheureusement jamais à rehausser l'intérêt des courtes aventures vouées à l'échec qu'elles veulent illustrer ; ça ne représente jamais qu'une case par planche...


Je me retiendrai le plus possible, par ailleurs, de commenter le sexisme assez crasseux entourant le personnage de la Princesse. Sans que, pour le coup, ça ne veuille avoir quoi que ce soit à voir avec je ne sais quelle considération patriarcale ; à ses débuts, Midam en jouait même plutôt bien vis-à-vis du cliché que pouvait représenter le personnage dans le paradigme vidéoludique. Après vingt ans de création de contenus, était-il néanmoins vraiment nécessaire de continuer à plancher sur les ressorts les plus stéréotypement nauséabonds de la coquetterie féminine pour justifier des plus ridicules des échecs ?

Aldorus
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le 21 févr. 2025

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