Tony Chu est cibopathe. Cela veut dire qu’il peut croquer dans une
pomme, et savoir d’instinct sur quel arbre elle a poussé, connaître la
marque des pesticides utilisés, ainsi que la date précise de sa
récolte. Ou il pourrait manger un hamburger, et expérimenter quelque
chose d’entièrement différent.
Ou croquer dans un cadavre et y trouver les indices nécessaires à l’éclaircissement du crime.
Ainsi Tony Chu est inspecteur à la criminelle jusqu’à ce qu’une planque dégénère en croisant le chemin d’une enquête de l’agent Mason Savoy, de la répression des aliments et des stupéfiants. Le flic est alors recruté par l’agent fédéral et tous deux se lancent
sur la piste d’un tueur en série.
Dans un univers contemporain où le poulet est banni de la consommation suite à une catastrophique épidémie de grippe aviaire, John Layman crée des personnages décalés aux pouvoirs spéciaux, intégrant de nombreuses influences pour livrer la mouture originale d’une nouvelle série où le comique et le polar équilibrent un divertissement intéressant. Humour crade, scènes de crime gores, bastons et trahisons, retournements de situation, les cinq épisodes de ce premier tome proposent de courtes enquêtes, ponctuelles, qui s’intègrent dans une narration plus générale, tenue par une intrigue de fond autour de nombreux protagonistes.
Outre Tony Chu et son frère Chow, chef cuistot de renommée internationale, l’impressionnant et soupçonneux agent Mason Savoy et leur insupportable patron Mike Applebee, l’apparition féminine d’Amélia Mintz, sa capacité de transcription précises à l’écrit des goûts éprouvés lors de la dégustation d’un plat, ajoute une pincée d’humour tout en s’articulant dans les spécificités mécaniques et atmosphériques de l’univers créé là.
Le dessin de Rob Guillory est très marqué par le format comics tout en s’autorisant pleinement la mise en place d’une ambiance propre : des personnages très caractérisés, les physiques parfois exagérés, parfois plus dans la norme, des gueules aisément identifiables. Le trait fin est précis, les couleurs, éclatantes quand nécessaires, soulignent l’action et les émotions dans le pastel de décors monochromes, les ambiances nombreuses rythment l’ensemble. Le montage est dynamique, emporte le lecteur : Tony Chu, c’est
un énorme plaisir graphique !
*Goût Décès* ouvre une série singulièrement plaisante, pas extraordinaire ni trop ambitieuse, mais rythmée avec humour et humilité, où le polar tient une intrigue générale au suspense toujours maintenu, animée de nombreux personnages admirables, tous en quête de quelque chose de personnel, tous accompagnant le bonheur du lecteur cet univers riche et original.
Du comics à croquer.