Lorsque l'on s'apprête à lire « Gunnm », il est nécessaire de se replacer dans le contexte de l'époque à laquelle cette œuvre est apparue. Publié en 1990 au Japon, puis en 1995 en France, dates auxquelles l’informatique et la robotique étaient encore bien loin de ce que nous sommes capable de faire de nos jours, ce seinen a immédiatement été qualifié d’avant-gardiste, tout comme l’a pu l’être le très célèbre « Ghost in the shell ».
L’histoire nous plonge dans un univers dystopique où la Terre n’est plus qu’une vaste succession de plaines désertiques et où l’humanité est au bord de l’extinction. Cette dernière lutte tant bien que mal pour survivre au milieu de ce qui est appelé la Décharge (zone dans laquelle humains et cyborgs cohabitent, où violence et trafics d’organes règnent en maître) sur laquelle Zalem, ville suspendue, déverse ses ordures. C’est dans cette décharge que l’histoire va commencer lorsqu’Ido Daisuke, bio-mécanicien, trouve la tête encore intacte d’un cyborg et décide le lui donner un nouveau corps et un nom : Gally.
Une relation très proche de celle d’un père et de sa fille (car oui, Gally est une cyborg fille) va s’installer entre les 2 protagonistes. Mais Gally, devenue amnésique, ignore tout de son passé hormis de grandes capacités de combat qu’elle va très rapidement se découvrir. Et c’est à l’aide de celles-ci que Gally va prendre l’initiative de partir à la recherche de son identité et lutter pour sauver ce qu’il reste de l’humanité au sens conceptuel (ou du moins la représentation qu’elle se fait de l’humanité).
C’est donc à travers les 9 tomes que constituent « Gunnm » que nous allons suivre la quête acharnée de Gally, chaque tome nous présentant une étape différente de son voyage. On la suivra ainsi en tant qu’Hunter Warrior (chasseuse de prime) ou encore sur les redoutables pistes du Motorball (sport ultra violent où des cyborgs, équipés de « rollers », disputent une course à plus de 300km/h afin de franchir la ligne d’arrivée en ayant le motorball, sorte de grosse boule de bowling, en sa possession).
Chacune de ses expériences et rencontres, l’aideront à recouvrer peu à peu des éléments de son passé (comme son véritable nom par exemple) et remettront en question ses plus profondes convictions tout en lui forgeant un caractère bien trempé.
Tout ceci nous transportera jusqu’au dénouement final qui m’a laissé une part de déception car j’avais imaginé quelque chose de bien différent à ce qui nous est présenté. Cependant, on ne peut pas non plus qualifier cette fin de mauvaise. Pour la petite anecdote, l’auteur a été contraint d’abréger son histoire et n’a apparemment pas pu écrire la fin qu’il souhaitait.
Mais au-delà de l’intrigue passionnante (malgré quelques longueurs au milieu de l’histoire) et des personnages travaillés, ce qui fait à mon sens la force de « Gunnm », c’est l’incroyable capacité de l’auteur (Yukito Kishiro) à nous proposer quelque chose qui soit à la fois beau et laid/sale. En effet, la laideur est très largement représentée par les multiples cyborgs monstrueux et repoussants évoluant dans des conditions de vie exécrables au sein de la Décharge. En opposition, nous avons la beauté incarnée par le personnage de Gally incluant tout ce qu’elle essaye d’accomplir. Nous pouvons même aller plus loin en parlant plus précisément des dessins qui ont certes un peu vieilli, mais dont les traits brutaux et très détaillés mettent eux-aussi en avant ce contraste.
Ultra-violence, action, réflexions vis-à-vis de notre place parmi tout ce qui nous entoure, tout ceci forme en conclusion un cocktail qui fait de « Gunnm » ce qu’il est aujourd’hui, à savoir : un manga culte, une référence majeure en matière de cyberpunk et surtout une expérience unique.
Attention cependant à ne pas le mettre entre les mains des plus jeunes et à le lire dans de bonnes conditions afin de pouvoir l’apprécier comme il se doit.