La mécanique de l'âme

Dans un monde de rouille, de métal et de poussière, sous un monticule de déchets déversés par la cité des anges sur Terre, au cœur même de la décharge de Kuzuketsu, le paradis perdu, Elle dort et attend en silence. De quoi rêve-t-elle, me direz vous ? A quoi peut bien rêver celle dont l’enveloppe charnelle n'est plus que circuits électroniques et plaques d'acier, mais dont le cerveau, toujours, reste celui d'un humain ? Rêve-t-elle de son corps d'origine, rêve-t-elle avoir été machine ? Nul ne le sait, mais à présent, celle dont le cerveau persiste à rester humain se réveille, le rêve prend fin, et avec lui, le monde chaotique qu'est devenu la Terre.

Gunnm est sans aucun doute l'un des mangas les plus connus qui soit, également l'un de ceux qui a eu le plus d'impact sur le monde de la BD moderne, en un mot : un chef-d’œuvre !
[Attention, je spoile sans vergogne !]

Ce manga propose une réflexion très intelligente sur le rapport homme/machine, sur la fragilité du corps et de l'esprit face au métal et aux puces électroniques. Ce questionnement est constant dans l'intrigue, rien que le décalage entre la décharge et Zalem est très parlant : Sur la surface de la planète, les hommes sont livrés à eux-mêmes, abandonnés de tous les autres peuples du système solaire, leurs ressources sont limitées, et pour beaucoup, un bon moyen de survie reste la cybernetisation, devenir un cyborg, obtenir une carapace d'acier tout en conservant son cerveau humain. Mais avoir un cerveau organique suffit-il à faire de nous des humains ? Notre âme n'est elle en fait pas prisonnière d'une cage d'acier ? Ces questions sont d'autant plus intéressantes lorsque l'on découvre le secret de Zalem : Tous ses habitants ont en fait le cerveau remplacé par une puce électronique qui inhibe leurs instincts primaires et les maintient dociles.
Le paradoxe est donc là : Peut-on être plus considéré comme humain si nous possédons un corps de métal, mais un cerveau humain ou si notre cerveau est remplacé par un micro-ordinateur, mais notre corps reste organique ? C'est brillant, c'est juste brillant comme questionnement !
Et cette problématique est d'ailleurs en grande partie liée à notre héroïne, Gally.

Ah, Gally. Un personnage que je place sans problème dans mon Top 5 des persos Bad-ass de mangas ! Déjà parce que c'est une cyborg, et ça, chuis désolé, mais c'est la méga-classe; ensuite parce qu'elle est une pratiquante du PanzerKunst (traduit grossièrement : "L'Art Blindé"), un antique art-martial venu de Mars, spécialement conçu pour les cyborgs pour défoncer d'autres cyborgs plus gros que soi ! Concrètement, la fille se bastonne contre des méchants cybernétiques qui font 8 fois sa taille grâce à des techniques spéciales utilisant la rotation du corps et l’accélération à son avantage, ce qui donne des bastons méga-stylées visuellement, très bien chorégraphiées et très inventives !
Ce que j'aime aussi beaucoup chez Gally, c'est son coté "Guerrière en quête de son propre destin". Le personnage a été retrouvé en miettes dans un décharge, sous des déchets vieux de 200 ans (c'est dire si elle a pas eu un passé de dingue !), et avait perdu tout souvenir, mais pas sa maitrise de l'Art Blindé (n’empêche, c'est stylé, comme nom), et décide donc de se créer un destin à la force de ses bras, combattant des ennemis de plus en plus forts, depassant toujours plus ses limites physiques et psychologiques, mais dans sa quête pour se retrouver elle-même, elle fera souvent souffrir ses proches, pauvres êtres organiques inadaptés au monde sombre et aride qui les entoure, tandis qu'elle même est condamnée à vivre, enfermée dans sa carapace d'acier, et souvent son cœur lui dictera de laisser tomber sa quête, mais rien ne peut l’arrêter ! De simple cyborg à chasseuse de primes, de chasseuse de primes à joueuse de Motor-ball, puis de joueuse de Motor-ball à agent spécial de Zalem, Gally ne cessera de changer, d’évoluer au fur et à mesure de ses batailles, telle une lame forgées dans un acier indestructible qui ne cesse de se modeler en se frottant au feu de ses ennemis (c'est beau, c'que j'dis). Et c'est à peine une métaphore, vu que dans Last Order, elle fusionne vraiment avec sa lame de Damas !

Ce nom... Gally... ce n'est pas mon vrai nom... Ido me l'a donné
[...] Mais qui est… Le vrai moi ? Qui regarder à travers ces yeux ?
Qui est cette personne au cœur si sensible, à l'air si hautain...effrayé... et cruel ? Je VEUX savoir... Et la seule manière de le savoir...
c'est mon Panzer Kunst.

Bref, tout ça pour dire : Ich liebe dich, Gally ! ^_^

Mis à part elle, tous les autres persos sont bien écrits et bien développés, et en particulier les ennemis, comme le flamboyant et charismatique Jashugan, le fier et honorable Den ou encore le génialement génial Desty Nova, chacun des méchants de Gunnm a un vrai charisme et une vraie importance dans le récit, aidant chacun grandement au parcours initiatique de Gally, qui ne cessera de se remettre en question face à l'adversité.
Mais si je ne devais en garder qu'un seul, de ces ennemis, ce serait Desty Nova, le savant fou qui croit en la fatalité, au destin et au karma. Pour lui, le monde est froid, triste et cruel, et ce qui fait l'essence de notre conscience n'est que le fruit de phénomènes chimiques dans notre cerveau, toutefois, il pense que ce qui fait notre individualité, c'est le choix, celui de faire le bien comme le mal, ce pourquoi il permet à d'autres ayant tout perdu d'obtenir la force nécessaire pour survivre, tout en observant comment ces gens vont influer le karma d'autrui, et l'un de ses "patients" sera même Gally ! Il est le parfait opposé de notre héroïne : Elle veut se créer un destin, il pense qu'il est déjà tout tracé; elle veut croire en son humanité, il ne voit en l'âme qu'un simple ensemble de concepts scientifiques. Bref, Nova est un personnage délicieux que j'adore et qui apporte grandement au manga !

A coté de ça, l'univers du manga est super bien foutu et très très cohérent, les bastons et les technologies montrées empruntent des concepts scientifiques réellement existants, leur donnant une vraie crédibilité, donc avec un univers aussi accrocheur, on est surs que le récit ne peut être que génial.

Mais puisqu'il faut parler de défauts, je dirais que le seul vrai problème de Gunnm, c'est sa fin !
Attention, il faut quand même replacer le contexte pour bien comprendre pourquoi la fin est décevante : En février 1994, un événement survint dans la vie de Kishiro, qui l'affecta grandement physiquement et mentalement (m'ait avis qu'il est devenu un cyborg ^^), ce qui l’empêcha de pouvoir poursuivre la série avec un rythme de publication raisonnable, il décida donc de ne pas poursuivre l'histoire de Gally qu'il avait prévue qui devait se dérouler dans l'espace, et termine le manga en 1995.
C'est pour cela que la fin de Gunnm ne me convient pas : On sent que c'est une fin forcée, la cité de Zalem est à peine entrevue, y'a 2/3 pseudo-explications sur le scénario et quand à la conclusion... N'en parlons même pas ! Cette fin est bâclée, ratée, expéditive, bref, elle est nulle.

Heureusement que l'auteur a quand même décidé de faire Last Order ! Oui, car y'en a qui pensent que LO, c'est juste une suite commerciale créée par Kishiro pour surfer sur la vague de Gunnm... C'est faux : Last Order reprend exactement là où l'auteur avait arrêté de dessiner de manière consentie, c'est à dire avant la fin torchée que j'ai évoqué, et les aventures de Gally dans l'espace sont bien celles que l'auteur avait imaginé dans la suite de Gunnm.
Donc Last Order est bel et bien la suite officielle et prévue dés le départ pour Gunnm, oui, monsieur, qu'essqu'y a ?

Enfin bref, si tu n'as jamais lu Gunn putain de M, et bah t'attends quoi, mec ?
Y'a une héroïne cool, un univers super bien foutu, des méchants super cools, des bastons méga-classes, des thèmes abordés giga-cools, bref, y'a tout dans Gunnm, donc lit le ! Et lit aussi Last Order, au passage, parce que c'est tout aussi cool, mais ça se passe dans l'espace !!!