Hinomaru rejoint le lycée Ôdachi avec une idée très précise en tête : devenir "Yokozuna", soit le grade le plus élevé de ce sport national du Japon. Mais les handicaps apparaissent d’emblée nombreux : le club de sumo est à la dérive et ne compte plus qu’un seul membre, son dojo est occupé par les caïds du lycée et, surtout, Hinomaru s’avère ridiculement petit pour pouvoir prétendre au moindre succès dans la discipline !
Publié dans le Weekly Shonen Jump, Hinomaru Sumo offre tous les codes et les motifs du shonen nekketsu, ce manga à destination d’un jeune public masculin faisant la part belle au dépassement de soi. De la cérémonie d’entrée au lycée, avec ses clubs associatifs et sportifs, au recrutement de l’équipe, en passant par les premiers accrochages et l’entrée en scène d’un rival, tout y est pour un premier volume particulièrement efficace à défaut d’être original.
Et comme son héros, ce manga part lui aussi avec des handicaps certains pour aborder le marché français. Le premier tient à son genre, le manga sportif, dont on sait qu’il peine à séduire le public français. Le deuxième à son sujet, le sumo, exotique certes, mais a priori peu attractif chez nous, et plus difficile d’accès. Le troisième, enfin, tient précisément à cette façon d’appliquer des recettes censées fonctionner qui risque de rendre trop prévisibles les développements ultérieurs, l’originalité du sujet, le sumo, ne pouvant totalement compenser une absence d’engagement dans la narration.
Mais ces handicaps pourraient aussi se révéler une chance pour ce manga, pour peu qu’il sache en tirer parti et qu’un certain public joue le jeu.
D’abord, si le manga de sport ne rencontre pas de réel succès en France, c’est peut-être aussi que le public visé n’est pas tout à fait le bon. Plutôt ciblé pré-ado et adolescent, le shonen, dans sa version sportive, a pourtant tout pour plaire au enfants un peu plus jeunes, les élèves d’élémentaire. Testé à la maison auprès d’un garçon de CE1 qui avait adoré Eyeshield 21, Hinomaru Sumo a remporté un franc succès. C’est peut-être sur ce public qu’est l’issue pour le shonen nekketsu sportif.
Ensuite, le titre fait montre de grandes qualité didactiques pour contextualiser et expliquer l’art du sumo. L’action elle-même introduit progressivement les codes de ce milieu, le traducteur précise l’implicite à travers diverses notes et, enfin, on trouve une section explicative, ludique, au sein du volume dans laquelle Kawada, le mangaka, creuse certains aspects techniques de la discipline. Le lecteur est bien accompagné dans la découverte du sumo.
Enfin, si le titre ne fait pour l’heure par assez preuve d’originalité, il possède quand même de réelles ressources pour se construire une personnalité propre. Le héros impressionne, ne serait-ce que par le fait d’être posé d’emblée comme dominateur. Le dessin s’avère fluide et plaisant et l’action se révèle dynamique et rythmée.
La question finalement posée est de savoir dans quelle direction Kawada va tirer son manga. S’il choisit la voie facile, celle des recettes gagnantes au Japon - et il aurait tort de ne pas opter pour ce choix au regard des succès, dans ce registre, de Kuroko’s Basket et Haikyu sur l’Archipel - alors Hinomaru Sumo a toutes les chances de demeurer un titre plutôt anecdotique chez nous.
Mais s’il parvient à trouver ce petit plus, décalé, susceptible de séduire dans nos contrées, alors là tout est possible. Après tout, Hikaru no go s’était saisi d’un sujet a priori complexe, le go, jouant de l’étrangeté jusque dans la veine fantastique, pour en faire un manga à succès, tandis qu’Eyeshield 21, sur le football américain, avec conquis son public par un graphisme hors pair et un ton totalement déjanté.
Le tome 1 tient fermement sur ses rails, mais on en vient à espérer qu’il déraille un peu se distinguer au sein d’une offre, en ce moment, pléthorique et de qualité dans le segment du shonen. Car après One-Punch Man, raflé par Kurokawa, et surtout My Hero Academia, récupéré par Ki-oon, Glénat donne l’impression de devoir se contenter d’un second choix, qui a pourtant de jolis arguments à faire valoir.
Chronique originale, et illustrée, sur actuabd.com