Je m’appelle Esther et j’ai 9 ans. J’habite à Paris, dans le 17e arrondissement.



C’est avec cette présentation simple que Riad Sattouf nous introduit son héroïne et va nous introduire dans son univers. Évidemment, étant donné que c’est la première personne du singulier qui est employée dans cet incipit, inutile de préciser que c’est à travers le point de vue brutal, franc, quelquefois innocent, parfois amusant (le plus souvent par l’intermédiaire de commentaires griffonnés dans la case même, hors phylactères !) d’une gamine en CM1 que l’on va apprendre à connaître son existence, ses proches, ses amies, ses amours, ses emmerdes.


Ce qui fait que la bande dessinée par elle-même ne porte aucun jugement sur le mode de pensée, sur la façon de voir le monde de notre protagoniste. Elle laisse entièrement cela au lecteur ou à la lectrice. Ainsi, c’est à ce dernier ou à cette dernière de réfléchir sur la cruauté de l’enfance, de celle lors de l’entrée dans l’adolescence (Qu’est-ce que l’on peut être profondément con à cet âge-là ! Je plaide coupable de l’avoir été aussi !).


C’est à lui ou à elle aussi de se montrer tour à tour critique ou bienveillant sur la famille d’Esther, d’avoir ce recul (je confesse que mon côté critique a été plus en éveil que ma bienveillance !). Ce père protecteur et réconfortant qui envoie sa fille en école privée pour mieux la protéger de la connerie des garçons de son âge, mais qui fourgue son fils aîné dans un collège public multiculturel de merde, peuplé de cassos. Cette famille qui vit assez serrée à quatre dans un appartement de la capitale (c’est que ça coûte une putain de blinde d’y vivre !), mais avec des parents qui ne trouvent pas mieux que de concevoir un cinquième futur locataire.


Mais c’est une famille normale, simple, moyenne, banale dans ses qualités et ses défauts, comme on pourrait en croiser des millions. C’est qui fait que je m’y suis attaché, car elle vit des situations qui parlent à énormément de personnes. Dans les 52 histoires constituant l’ensemble de l’album, il y en a forcément au moins quelques-unes quasi similaires que chacun ou chacune a vécues soi-même.


Et puis, c’est aussi une plongée dans la France de 2015 à travers l’évocation des artistes à la mode pendant cette période, qu’Hanouna était déjà bien établi comme un grilleur cathodique de neurones fatigués par une longue journée de travail des spectateurs et des spectatrices n’ayant d’autres objectifs que de s’abrutir un peu plus, qu’il y avait eu l’attentat de Charlie Hebdo (qui aurait dû sérieusement servir d’avertissement pour éviter des tragédies d’une ampleur bien plus terrifiante !). Une France qui paraît si lointaine (ce qui est dû à l’avalanche impressionnante d’événements à s’être passés depuis !), mais qui pourtant, en termes d’années, est si proche.


Pour ce qui de l’esthétisme, l’ensemble fait la part belle au noir, au blanc et au gris tout en ayant recours assez souvent à d’autres couleurs, le plus souvent pour mettre en évidence dans la case un personnage, une partie du décor, un détail ou un fait en train de se dérouler.


Bon, bref, je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir autant de matière à la réflexion, à la remémoration par le biais des aventures ordinaires d’une fille de dix ans.

Plume231
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le 5 sept. 2022

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