Sattouf, c'est l'auteur de BD que j'ai tenté d'aborder sous tous les angles (Jean-Pierre, tu m'enlèves tout de suite ce regard salace de ton visage) et qui me laisse froide comme une pierre tombale, au fond d'un jardin, près d'une cabaAaneuh, dans une maison abandonnée, un jour de pluie. C'est pas que ce que raconte le bougre ne m'intéresse pas mais c'est que la manière dont il le présente me laisse tout bonnement insensible. Bizarrement, ça a ce côté répulsif des Têtes brûlées, celui qui donne envie de re-goûter pour vérifier que ça t'arrache toujours la tronche. Dans l'ordre, j'avais donc déjà lu : La vie secrète des jeunes, Pascal Brutal et L'arabe du futur. Beaucoup de twittos trentenaires (pléonasme, vous dites ?) étaient rester pantois devant cette description qui leur semblaient si percutantes des ados dans la première BD citée. Les bras, le nez et, par la grâce de dieu, pas les yeux, m'en sont tombés. Je ne reconnaissais rien de ce territoire hostile et purulent décrit qui était mien à peine quelques années. Avec Esther, c'est simple, ça a été tout le contraire ! Sous le regard assurément féministe de l'auteur, fais pas genre t'savais pas qu'il était féminiss' azy, c'est lui qu'a fait Jacky au royaume des filles hein, il transpose en dessin la vision sans filtre de la vie d'une petite fille qui a lui a conté fleurette, non, ça c'est du détournement de mineur ! Qui a lui conté son quotidien, pendant deux semaines. En l'an 2015 de notre ère, Esther a 10 ans et habite en banlieue parisienne. Elle est scolarisée dans une école primaire privée, contrairement à son frère aîné qui a été catapulté dans le collège public de proximité. Son père, c'est son héros et à ses heures perdues, un prof de gym. Sa mère, j'm'en rappelle plus, c'est qu'elle doit avoir un rôle très important, n'est-ce point. En fond sonore, c'est Black M et Kendji Girac qu'elle enchaîne, suivi parfois d'une analyse à sa sauce des paroles. Le fait qu'elle fasse complément fi de la profondeur abyssale des textes, combiné avec son innocence d'enfant, donne des choses très très très drôles. Toujours avec cette même naïveté, la cour de récré devient un laboratoire à ciel ouvert des normes qui régissent notre société, qu'elle intègre et dont son comportement est le reflet. Elle décrit souvent les garçons comme "méchant", et tout en ayant conscience cette violence, elle tombe toujours en pâmoison devant ceux qui la frappent ou l'insultent. Les rôles distribuées selon le genre féminin ou masculin sont déjà pleinement intégrées et ceux qui ne collent pas à cette image sont "recadrées", une manière détournée pour dire qu'ils sont les victimes idéales des violences grégaires. Je m'attarde sur ce sujet parce-qu'il m'intéresse particulièrement mais l'observation attentive du microcosme scolaire laisse aussi apparaître des violences plus sournoises, les différences de classes sociales ou de culture par exemple.