Riad Sattouf poursuit son portrait réaliste (et même naturaliste) de l'adolescente Esther que l'on voit toujours un peu plus grandir et s'attachent à elle au fil des albums.

Une démarche étonnante et toujours efficace de retranscriptions d'interviews sous formes de planches relatant chaque année de son adolescence, et on s'étonne de savoir (et de ne pas savoir) certaines choses et se demandent jusqu'où la série continuera (on imagine qu'elle se terminera à ses 18 ans, qui sont déjà passés dans la réalité si on calcule bien) tant Esther semble peu pudique, et on se dit qu'elle voudra forcément arrêter passée un certain âge.

Mais on sait que les détails liées à l'identité d'Esther sont modifiées, heureusement, pour préserver son anonymat, on se demande même si Esther est le vrai prénom de la véritable fille qui a inspiré la BD.

Les récits eux sont visiblement authentiques dans leurs globalités, on voit le monde changer autant qu'Esther et elle reste témoin de ça : si il y a 2 tomes on parlait du COVID, celui-ci nous présente quelques allusions à l'invasion de l'Ukraine, les présidentielles françaises 2022 ou encore l'abolition de l'avortement dans plusieurs états des USA.

On suit l'histoire du monde à travers les yeux d'une adolescente "banale" ce qui rend le récit d'autant plus authentique.

L'approche naturaliste, visant à "représenter la réalité sous tous ses aspects meme les plus vulgaires" s'applique également à la forme de la BD elle-même.

Riad Sattouf comme dans toutes ses BD, que ce soit Le jeune acteur ou L'arabe du futur essaye de rester le plus neutre possible dans sa mise en page, il n'émet jamais de jugement en tant qu'auteur, le seul jugement émis dans ses BD est par celui du personnage dont on suit le point de vue.

Il n'y a jamais de jugement moral de sa part, qu'un personnage soit en faute ou pas (même quand c'est lui-même) son but est de retranscrire la réalité telle quelle.

Pour se faire il utilise un procédé de mise en page dite du "gaufrier" en BD, comme le font Lewis Trondheim et Jason, Sattouf choisit de disposer ses cases en carrés de la même tailles les unes à côté des autres, ne laissant aucune case prendre le dessus sur l'autre.

On peut penser que le procédé apporte une pauvreté au découpage et la mise en scène de son action, qui est de toute façon appuyée principalement par des changements de couleurs pour illustrer l'état d'esprit d'Esther (le plus souvent elles sont bleues, deviennent jaunes quand elle est calme, ou rouge quand elle est angoissée par exemple).

C'est le seul procédé que Riad utilise pour mettre en avant un point de vue, ici celui de sa protagoniste, mais la BD est un art du découpage, et pour différencier les 2 entités, le personnage et l'auteur, c'est un procédé plutôt simple et pratique pour désigner sa neutralité.

Si chez Jason et Trondheim elle sert à rendre chaque action aussi importante l'une que l'autre peu importe sa gravité ou sa futilité, Sattouf l'utilise de manière singulière de par son intention.

Les seuls moments où il se l'interdit c'est pour s'amuser à dessiner une page entière avec un unique dessin résumant une simple situation qui n'a pas besoin d'une planche entière, comme s'il peignait un tableau dans son style si reconnaissable, appuyant d'autant plus l'idée de "portrait" qu'il fait dans toutes ses BD.

Le grand prix qu'il a gagné cette année à Angoulême pour l'ensemble de sa carrière est à mes yeux mérité, bravo à lui.

Je me demande maintenant s'il nous proposera un jour une BD sortant de cette intention naturaliste qui a forgé sa carrière ! À suivre !

Cinecrologie
8
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le 6 août 2023

Critique lue 107 fois

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