Si Versailles était dompté
En ces temps complexes où l’urgence souvent bien violente de l’actualité vient s’immiscer dans des œuvres supposément intemporelles, il faut faire abstraction de bien des éléments pour tenter...
le 17 mai 2023
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Tels sont les mots prononcés par Benjamin Lavernhe qui résument à eux seuls l'esprit du film.
M'attendant à voir une simple histoire d'une femme gravissant les échelons par son charme et jeux de manipulation au XVIIIe siècle dans un grand film d'époque, au contraire le film propose une certaine déconstruction de la légitimité de la véritable "noblesse" de la cour de Versailles.
On y suit Jeanne du Barry, véritable personnage historique et favorite du roi Louis XV, dépeinte comme une simple fille du peuple bien que très instruite, disant trouver dans le libertinage "une façon d'être libre et de rester femme". Un message quelque peu féministe qui colle aux engagements de Maïwenn, et qui continuera d'être développé dans le film.
En effet, ce n'est pas juste par jeux de séduction et prostitution qu'elle se fait un nom et rencontre des personnes hauts placées qui lui donneront de l'importance, c'est aussi pour sa suffisance que le roi s'éprend d'elle.
Sa simplicité et ses origines créé un scandale dans la cour, dont on nous montre toute l'absurdité des codes et des règles qu'elle ne veut pas suivre : le réveil du roi (qui doit suivre un véritable protocole historique, je ne suis pas assez informé pour juger la véracité du film là-dessus et démêler le vrai du faux), la manière de le laisser en marchant à reculons avec de petit pas sans avoir à lui tourner le dos...des accoutumances qui étaient demandées à l'époque et dont on se moque aujourd'hui pour nous montrer que c'est la simplicité de Jeanne qui va aider la cour à se mouvoir et évoluer.
En effet c'est assez drôle de constater que bien qu'elle soit du peuple et donc perçue comme une folle, c'est finalement la personne la plus instruite et mature de la cour, face aux filles du roi aux airs de collégiennes, jugant tous ses faits et gestes, tels les affreuses belles sœurs de 'Cendrillon', à tel point que çen devient parfois drôle tellement c'est trop (d'ailleurs la seule qui quitte la cour est la seule à essayer d'être bienveillante avec elle).
C'est aussi son progressisme qui va charmer le roi, mais aussi influencer la cour en plus d'y faire scandale, son port du pantalon comme un homme, de costumes à rayures qui deviennent une mode, le fait d'avoir pris pour page et sous son aile un enfant noir en pleine période d'esclavage...
Jeanne veut seulement briser tous les codes de la cour qu'elle trouve superficiels, et le film les montre tels quels, l'impression de vivre dans un autre monde, hors sol et loin de l'humanité, où tout n'est qu'hypocrisie et besoin de reconnaissance pour atteindre une place importante sans que personne ne s'attache vraiment au roi mais lui fasse la révérence pour acquérir des privilèges.
La noblesse, comme dit dans le dialogue cité au début, devient seulement grotesque, et n'a plus de légitimité à être appelée "noble" tant la personne la plus "noble" du film est finalement celle qui est vue comme ne l'étant pas, Jeanne donc.
Jeanne est donc la seule (avec peut-être le personnage de Lavernhe) à voir le roi comme un humain et pas un monstre sacré ou un moyen de se rendre important, même ses propres filles sont là par intérêt. D'ailleurs le film me gêne un peu là-dessus, dans le fait qu'il rend les monarques presque sympathiques, que ce soit Louis XV que Johnny Depp rend très humain et même espiègle parfois, se moquant des protocoles de sa propre cour, ou encore Louis XVI qui fait partie des rares personnes à être bienveillant avec Jeanne.
C'est surtout les bourgeois et nobles qui sont moqués mais les rois restent attachants, et ça me déplaît un peu mais vu que tout le reste se moque, je pense, de la royauté (ou plutôt du fonctionnement interne à la monarchie), c'est finalement peut-être pas si dérangeant que je le décrit quand on voit l'œuvre dans son ensemble.
Jeanne quitte donc la cour à reculons, ne tournant plus la dos au roi et aux codes de son univers, et finit donc par respecter ses codes une fois qu'elle n'en fait plus partie, comme pour montrer toute l'obligeance qu'elle a subit alors qu'elle n'était finalement, que la plus noble parmis les nobles, parce qu'elle venait de la plèbe et qu'elle n'a jamais été éduqué dans l'hypocrisie du milieu. Une sorte de self made woman du XVIIIe disons.
Créée
le 17 mai 2023
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