Si Versailles était dompté
En ces temps complexes où l’urgence souvent bien violente de l’actualité vient s’immiscer dans des œuvres supposément intemporelles, il faut faire abstraction de bien des éléments pour tenter...
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Pourquoi ? Pourquoi réaliser un biopic sur la du Barry en 2023, et le montrer en ouverture du Festival de Cannes ? La réponse évidente à la seconde question est qu'au moins, il n'est pas en sélection et ne risque pas de gagner un prix.
Concernant le film en lui-même, la première hypothèse est celle du film historique classique, auquel cas ce Jeanne du Barry coche toutes les cases : voix off introductive et conclusive, romance caricaturale, costumes, poudre, décors, un léger décalage pour montrer que quand même, on ne la fait pas à Maïwenn, elle ne va pas tomber dans tous les pièges du classicisme. Pourtant, on ne croit pas aux personnages principaux (du Barry et Louis XV donc), jamais développés au-delà de leur relation archétypale fille du peuple - Roi ; et oubliez cette folle idée de "personnages secondaires", ils n'existent pas. Il y a d'ailleurs du panache à recruter la fine fleur du cinéma français (Benjamin Lavherne, Pierre Richard, Noémie Lvosky, India Hair...) pour la cantonner à de la figuration en costumes. On ne croit pas non plus aux mots employés et au langage parlé. Les tentatives d'humour sur les usages de la Cour tombent à plat et sont presque gênantes puisqu'anachroniques : on les voit avec notre regard contemporain, ce qui n'était pas le cas de la du Barry qui, bien que non-noble et non-aristo, était bien une femme du XVIIIème siècle.
La seconde hypothèse est que la réalisatrice produit son autobiographie historique en Jeanne du Barry. La caméra de Maïwenn colle à Maïwenn, elle apparaît dans 95% des plans (au bas mot ; il faudrait un second visionnage pour compter mais non merci je ne suis pas rémunéré pour ça). Maïwenn grandiose, Maïwenn effrayée, Maïwenn amusée. Ce film est un ego-trip monumental de deux heures, le tout renforcé par des décors et des costumes effectivement magnifiques. Mais quel gâchis ! Tout ça pour ça ? Tout ça pour que Maïwenn puisse faire son propre éloge, défendre son propre parcours, dire que oui, une femme peut s'élever en couchant, être sulfureuse, victime du politiquement correct ? Les parallèles sont évidents et ne rendent l'entreprise que plus misérable. Personne dans la production (notamment composée de Maïwenn, aussi réalisatrice et actrice principale) n'a pensé à lui dire que l'on n'est plus au XVIIIème siècle et que la situation sociale des femmes a un tout petit peu évolué, que peut-être, on pourrait imaginer une société moderne où les femmes pourraient exister au-delà de ce que les hommes attendent d'elles...
Autre idée géniale de production : prendre un Johnny Depp essoré par son cirque mondial de procès, momifié en Louis XV poudré, figé dans son costume et son expression (un genre de moue dont il ne se départit jamais) et n'articulant à grande peine que des bribes de répliques - jamais plus longues que 5 mots. J'ai lu dans Libération que Maïwenn voulait à l'origine Depardieu pour le rôle. Le grotesque du (non-)jeu de Depp et l'image persistante d'un Depardieu poudré reproduisant sa mimique sont tout ce qu'il y a à sauver du film, avec les décors et les costumes.
Si vous aimez Maïwenn (la femme, pas l'artiste, puisque c'est d'elle dont il s'agit, et tout ce que ça implique) et le narcissisme poussé à son paroxysme, vous aimerez ce film. Sinon...
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le 17 mai 2023
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