Ce tome contient une histoire touffue, à la fois redémarrage, prologue et saison complète. Il comprend deux miniséries complètes House of X et Power of X, chacune de 6 épisodes, initialement parus en 2019, tous les numéros étant écrits par Jonathan Hickman. La minisérie House of X a été dessinée et encrée par Pepe Larraz, et mise en couleurs par Marte Gracia (avec l'aide de David Curiel pour l'épisode 6). La minisérie Power of X a été dessinée et encrée par R.B. Silva, avec l'aide de Larraz pour les dessins de l'épisode 6 et d'Adriano di Benedetto pour l'encrage des épisodes 1 & 2. Sa mise en couleurs a également été réalisée par Marte Gracia avec l'aide de David Curiel pour l'épisode 6. Ce tome contient les couvertures originales, ainsi que 88 couvertures variantes, à raison de 4 par pages.
Dans une grotte végétale, un individu en combinaison noire moulante avec un casque intégral marqué d'un grand X regarde des individus sortir de cocons végétaux. Il y a 5 mois, Colossus cueille des fleurs sur Krakoa. Il y a 4 mois Storm quitte l'école de Westchester. Il y a 3 mois Nightcrawler plante une fleur dans la zone bleue de la Lune. Il y a 2 mois, Armor se recueille sur Mars devant un parterre de fleurs. Il y a un mois Beast observe un arbre en Terre Sauvage. Au temps présent, à Jérusalem, la façade d'un immeuble est recouverte de plantes. Six ambassadeurs d'autant de pays différents y entrent et sont accueillis dans l'Habitat, une extension de Krakoa, aménagée par les Stepford Cucckoos. Ils sont accueillis par Esme et Sophie, ainsi que par Magneto qui indique qu'il représente Charles Xavier, indisponible pour le moment, en tant qu'ambassadeur. La double page suivante présente les médicaments issus des fleurs de Krakoa par le biais de brefs paragraphes : 3 pour les humains (les médicaments L, I et M) et trois pour les mutants. Dans l'habitat Greymalkin à Westchester dans l'état de New York, Marvel Girl fait faire le tour du propriétaire à de jeunes mutants. Quelque part à Krakoa, Douglas Ramsey effectue des réglages dans la salle de contrôle, avec Sage. À la suite de leur visite, les enfants et les adolescents arrivent dans une clairière où se trouvent Wolverine et Charles Xavier.
Un petit vaisseau spatial s'arrime à une station en orbite autour du soleil. La docteure Gregor pénètre dans la station, accompagnée de deux autres personnes. Elle prend la décision d'ouvrir son casque : l'atmosphère est tout à fait respirable, juste un peu fraîche. Elle décide de poursuivre son exploration avec Karima. En continuant leur tour de la base, elles évoquent le temps pour que la Forge soit opérationnelle, ainsi que les protocoles Orchis. Ces derniers ont été mis en œuvre quand les modèles de projection de développement de population ont abouti à une prévision stable des objectifs de Charles Xavier. Vue de l'extérieur, la Forge a la forme d'un anneau, avec en son centre une tête robotique géante. Les deux pages suivantes explicitent la nature des protocoles Orchis, ainsi que la composition de cette organisation, constituée à 31% de personnel de l'AIM, 24% du SHIELD, 16% de STRIKE, 8% de SWORD, 7% d'Alpha Flight, 5% de HAMMER, 5% d'ARMOR, et 4% d'Hydra. Pendant ce temps-là, Mystique, Sabretooth et Toad effectuent un casse dans un entrepôt de stockage de Damage Control pour récupérer quelque chose. Ils sont interceptés à la sortie par les Fantastic Four.
Lorsqu'il commence cette histoire, le lecteur sait qu'il s'agit d'une forme de redémarrage pour les X-Men, un projet éditorial d'envergure. S'il ne connaît pas les X-Men, il est vite largué par le nombre de personnages (plusieurs dizaines), et par les références non explicites à des événements passés. Sinon, il se lance dans une aventure dont il n'a pas idée de l'ampleur. Jonathan Hickman a pensé ses deux miniséries comme formant un tout : l'histoire a été publiée sous la forme de deux miniséries pour répartir la tâche de dessiner entre deux artistes afin d'assurer un rythme de parution régulier et soutenu. Dans le cadre de ce recueil, la distinction entre House of X et Power of X n'est pas marquée, les couvertures se trouvant reléguées à la fin. Il s'agit donc d'un récit qui se lit d'un seul tenant. Le lecteur observe que le scénariste a choisi d'utiliser des paragraphes de texte sur des pages sans dessin pour pouvoir intégrer toutes les notions et tous les concepts qu'il met en œuvre. Ainsi le lecteur découvre comment les fleurs de Krakoa sont utilisées pour fabriquer des médicaments, comment une organisation composite a vu le jour pour gérer l'augmentation inéluctable de la population de mutants, ce qu'est un mutant de niveau Oméga et qui ils sont, le déroulement du programme génétique de Mister Sinister sur plusieurs générations, le déroulement de 10 vies en parallèle d'une mutante, les différents types de sociétés composées d'intelligence artificielle, les différentes générations de Sentinelles, etc. Très vite, le récit dépasse la simple histoire de quelques mutants emblématiques pour devenir l'histoire d'un peuple, mais aussi un croisement de lignes temporelles, et un récit de science-fiction manipulant des concepts bien construits trouvant leurs racines dans la riche histoire des mutants Marvel.
Jonathan Hickman emmène son lecteur dans une intrigue dense, regorgeant de personnages emblématiques des séries X-Men et de mythologie interne, pour un récit de science-fiction foisonnant, entremêlant différents fils narratifs et différentes lignes temporelles parallèles. Il le fait avec un art consommé du suspense, de la recomposition chronologique, sans jamais perdre son lecteur, avec des enjeux se découvrant progressivement, des stratégies à long terme, et même à très long terme pour certaines, et des modifications majeures pour les mutants, à commencer par la création d'une nation avec un territoire bien à elle, un langage basé sur un autre alphabet, une politique extérieure ferme sans être agressive, et des lois intérieures en cours d'élaboration. Il ne sacrifie en rien les conventions des récits de superhéros : le lecteur a le droit à des utilisations spectaculaires de superpouvoirs pyrotechniques, à des combats dantesques exprimant des conflits idéologiques ou moraux.
Le lecteur prend très vite conscience que Jonathan Hickman mène la barque et que la mission dévolue aux deux artistes est de donner à voir ce qu'il a imaginé, plus que de participer à l'élaboration de l'intrigue. D'un côté, il est possible de les voir comme de simples exécutants ; de l'autre côté leur tâche est imposante. Au départ, le lecteur observe que les traits de contour de Pepe Larraz sont plus méticuleux que ceux de R.B. Silva, et que le premier représente plus de choses dans ses cases que le second. Mais bien vite, il oublie cette distinction qui s'amenuise un peu au fur et à mesure que la pression des délais augmente, mais encore plus parce qu'il n'y a aucune solution de continuité entre les deux dessinateurs : la coordination visuelle est impeccable. En outre, Marte Gracia renforce l'unité visuelle entre les deux artistes, en réalisant l'intégralité de la mise en couleurs, avec une palette riche, utilisant les capacités de l'infographie pour rehausser les reliefs, intégrer des effets spéciaux, réaliser des camaïeux sophistiqués, amplifier la pyrotechnie. De temps à autre, le lecteur perçoit que l'un ou l'autre des artistes se retrouvent avec une page de dialogue et qu'il fait un effort plus ou moins conséquent pour concevoir une prise de vue montrant l'environnement, les postures, ou qu'il opte pour une approche plus simple avec des têtes en train de parler avec des angles de vue plus ou moins variés.
Dès les deux pages de la mystérieuse séquence introduction, le lecteur découvre une façon de dessiner consensuelle pour les comics de superhéros : un bon niveau de détails, des dessins réalistes, une manière de simplifier les éléments sans les affadir, des plans poitrine ou plus rapprochés encore lors des dialogues. Il retrouve également la capacité impressionnante des artistes de comics à rendre les images spectaculaires et il est servi tout au long de ces 12 épisodes. À l'évidence, Jonathan Hickman téléguide la mise en page, que ce soit le découpage par pages ou parfois la forme des cases dans une planche. Il garde toujours à l'esprit que la bande dessinée est un média visuel et sait composer des images mémorables et des séquences choc. Le lecteur a les yeux écarquillés pour ne rien perdre de la découverte de l'habitat à Jérusalem, tout aussi curieux que les ambassadeurs. Par la suite, il se repaît du spectacle visuel : l'apparition hiératique de Magneto, l'aspect paradisiaque du milieu naturel de Krakoa, la révélation de la forme de la station Orchis avec le soleil en arrière-plan, l'assurance retrouvée de Cyclops, le charme inquiétant de Moira, la froideur indéchiffrable de Nimrod, l'interrogatoire menée par Destiny (Irene Adler) tranquillement assise sur une chaise au milieu des flammes, etc. Il ne s'agit pas tant de surprises visuelles ébouriffantes, que de la capacité de R.B. Silva et Pepe Larraz de parvenir à tenir le rythme des concepts, des personnages, des environnements qui déboulent sans temps mort dans le scénario.
Au cœur du récit se trouve le concept de mutant, la modification qui apporte le renouveau. Un personnage résume la situation par Évoluer ou périr. Bien sûr, il s'agit du thème présent dès le premier épisode paru en 1963, avec en trame de fond le thème de la différence et de l'intégration. Jonathan Hickman n'hésite pas à faire un clin d'œil à la notion de communauté différente en mal de nation en plaçant un habitat à Jérusalem, un personnage faisant explicitement référence au symbole que cela constitue. Cette mise en parallèle ne va pas plus loin. D'un autre côté, le scénariste reprend de nombreux éléments précédemment créés et développés dans la série, à commencer par les principaux mutants, et par Krakoa. Il pioche aussi bien dans les apports de Chris Claremont, que dans ceux de Scott Lobdell et Fabian Nicieza, et même quelques-uns dans ceux de Brian Michael Bendis (le retour très inattendu de Fabio Medina, appelé Goldballs). Conformément aux exigences éditoriales, le scénariste met à profit la continuité du titre. Le lecteur a également conscience que son histoire doit servir de base aux développements de plusieurs années à venir, doit redéfinir le statu quo des mutants pour devenir le terreau de nouvelles histoires. Il est forcément inquiet de savoir si le récit tiendra la route pour lui-même, et non pas comme un prologue artificiel, uniquement satisfaisant en tant que point de départ, ou en tant qu'outil prétexte pour les séries mensuelles à venir.
Lassé de la régurgitation des sempiternels même intrigues, le lecteur attend du changement et de la nouveauté. Il ne s'attend pas forcément à l'utilisation d'autant d'éléments du passé, ni à une telle profusion d'idées, et il est possible qu'il soit rebuté par le nouveau statu quo. Force lui est de reconnaître que Jonathan Hickman ne fait pas les choses à moitié et qu'il est vraiment investi dans son récit, bien au-delà d'un simple travail de commande, ou d'un simple effet choc pour donner l'impression de secouer le cocotier. Le scénariste développe le thème de l'évolution et des mutations, en partant de la mutation d'une société de chasseurs & cueilleurs à une société agraire, en passant par l'invention d'un alphabet de toute pièce, pour aller jusqu'au questionnement de la nature de l'évolution quand une espèce n'est plus liée à un environnement spécifique. Même s'il est toujours possible de regretter que Hickman préfère un récit reposant sur l'intrigue plutôt que sur les personnages, il n'empêche que cette intrigue entremêle de nombreux fils narratifs qui mènent jusqu'à leur terme logique des notions plus ou moins bien gérées par le passé. Il suffit de considérer comment il repositionne Nimrod comme sentinelle ultime, ou comment il rétablit une distinction claire entre les objectifs d'Apcalypse et ceux de Mister Sinister, et il réinsuffle un sens aux agissements de ce dernier. Au final, ce récit constitue une saison d'une richesse étourdissante, suffisante pour elle-même, avec une évolution (une mutation ?) du positionnement des mutants, vers quelque chose de différent, rarement vu à cette échelle, et plus plausible dans les années 2020, 60 ans après le début de la série.
Sans aucun doute, ce récit s'avère une réussite, à la fois en termes d'intrigue, de cohérence visuelle, et d'ambition éditoriale. Ce ne sont plus les X-Men des décennies passés, ils vont de l'avant, dans une histoire riche et intéressante, avec une narration au rythme maîtrisé. Jonathan Hickman met à profit des décennies de mythologie, dans un tout d'une rare cohérence, sans ressasser ce qui a déjà été fait, en allant plus loin. Il reste à savoir si ce projet se développera dans des séries mensuelles aussi cohérentes (au moins celle des X-Men écrite par Hickman), ou si la machine va s'emballer hors de contrôle, l'éditeur ne pouvant résister à la tentation de produire tant et plus de séries du moment que ça se vend. En tout état de cause ce récit se suffit à lui-même, constituant une saison extraordinaire, d'autant plus savoureuse que le lecteur est familier des grandes heures de la série.