Tome 1
"Comment renouveler l'éternel thème de l'invasion des morts-vivants, par rapport aux "standards" incontournables établis par George Romero ?", c'est la question qui, clairement, parcours le travail de Hanazawa dans ce premier tome de "I am a hero" - a priori clin d’œil au chef d’œuvre de Richard Matheson, qui justement proposait un point de vue alternatif quant aux récits "classiques" de contamination et d'affrontement. Le choix - intéressant, même s'il n'a rien conceptuellement de révolutionnaire - est ici d'inscrire le récit apocalyptique au sein d'une peinture triviale de la réalité la plus ordinaire, la "menace" restant dans ce premier tome bien moins importante pour le personnage principal que ses problèmes amoureux et professionnels ("Shawn of the Dead" sans l'humour anglais ?). Ces 200 pages consacrées au quotidien vaguement répugnant d'un post-ado attardé, hanté par des fantasmes régressifs et accablé par une sexualité minable (remarquables scènes "amoureuses", assez touchantes, avec Tekko) et un boulot exténuant peu compatible avec ses rêves de célébrité, sont tout bonnement passionnantes, dans un registre ultra-réaliste très original. On appréciera aussi la description ironique du travail des mangakas, et, avec la rupture des dernières pages, on attend la suite avec impatience. [Critique écrite en 2012]
Tome 2
Si le premier tome de "I Am A Hero" avait cela de décontenançant qu'il prenait tout son temps pour mettre en place l'univers aliénant et aliéné - notre réalité - dans lequel allait s'inscrire le récit apocalyptique, le second nous plonge violemment dans le vif du sujet : terriblement gore - malgré le noir et blanc ! - "I Am A Hero" bascule vers les situations stéréotypées, et toujours réjouissantes, de "l'histoire de zombies" classique, mais maintient ce regard humoristique et absurde sur le fonctionnement de la société nippone. Car les morts vivants de Hanazawa, à la différence de ceux de Romero, restent imprégnés de leurs situations sociales et familiales, et semblent condamnés à traîner avec eux dans leur quête éperdue de chair à mordre leur éternelles obsessions et leurs problèmes quotidiens insolubles. Ce lien avec la vie (perdue, mais qui refuse de mourir en eux) constitue l'originalité de ce second tome, d'autant qu'il justifie la très longue - et éprouvante - première scène. On regrettera peut-être certaines entorses au réalisme profond du manga, comme certains détails du combat derrière la porte, et surtout l'hallucinante scène de l'avion... Mais pour savoir quel sera le "ton" de ce nouveau manga, il faudra voir comment Hanazawa poursuivra son passionnant récit, et dans direction il va continuer à développer cette relecture très personnelle de Romero… [Critique écrite en 2012]
Tome 3
C'est dans le 3ème tome de "I Am A Hero" que - enfin, dirons certains - le projet de Hanazawa fait complètement sens : scènes d'angoisse profondément malaisantes, comme celle du taxi avec ses passagers contaminés, mais toujours tempérées d'un humour absurde revigorant, brèves explosions gore assez insupportables, et surtout magnifiques passages introspectifs, comme cette nuit de terreur que notre piètre héros passe dans la forêt des suicidés... Tout cela fonctionne à merveille au long de ce tome puissant et obsédant. On peut certes objecter au dessin, qui oscille entre hyper réalisme et grotesque outrancier, mais il est impossible de nier la force de la belle idée centrale de "I Am A Hero", qui est que la société japonaise est tellement figée dans ses règles et ses conventions que, même zombifiés, ses membres continueraient à s'accrocher aux codes de comportement qui leur ont été inculqués. A suivre donc, et avec enthousiasme. [Critique écrite en 2012]