On me l'a offert, je ne connaissais pas.
On est dans un processus quasi contemplatif avec cette bande-dessinée, avec un découpage des cases extrêmement soigné. On est presque sur un terrain de mise en scène plutôt que de croquis.
L'histoire, simple, banale, est secondaire. Jusqu'à la toute fin, on n'en connaît même pas 10%. Tout au plus connecte-t-on les points reliant le héros, Lupo, à ses connaissances.
Le choix du noir et blanc renforce encore plus l'immersion dans un univers inconnu qui se déroule à chacun de ses pas. C'est immense, c'est détaillé, mais c'est vide. Les plans d'ensemble, qui embrassent des coursives gigantesques, plus élancées et larges que des grands boulevards, donnent une foule de détails sans jamais rien dire sur où l'on est. Tout est lisse et plat, juste traversé par des saignées, des câbles apparents ou des limites de plaques protectrices. On peut passer des pages entières sans dialogue, rien d'autre qu'un petit héros dessiné au milieu de ce champ de ruines totalement propre dont la distance nous fait prendre conscience de l'immensité d'un univers dont on ne sait rien. Et on s'en fiche, parce que le premier sujet est abordé par la simple constatation : un homme doit survivre. Pas besoin de savoir après quoi ou de qui, on s'en fiche : il rase les murs, il traverse des terrains vagues et il a un objectif.
On rencontre toutes les moutures d'un univers post-apocalyptique avec ses variants : deux factions qui s'affrontent, et au milieu des tribus qui essayent de s'organiser et de survivre au milieu du tumulte. Le héros rencontrera des ennemis colossaux, tués par l'astuce ou la chance ( justement commentée ). Il trouvera un animal de compagnie, devra gérer une mission, aider des démunis, remplir une quête pour le compte d'un chef "bandit", faire halte à une tribu qui se méfie... et même croisera la route d'un adversaire qui se fera son allié. Rien de bien nouveau sous le soleil, mais l'histoire les amène de façon brusque sans nous prendre pour des idiots : s'ils arrivent, ils arrivent et on les utilise comme il faut.
Le trait est composé de petits coups secs ( et nerveux ) pour définir les contours organiques, un trait plus clair et lisse pour le mécanique. Les ombrages sont fait aux gribouillis, on sent une certaine inspiration venue des vieux mangaka traditionnels. Le monochrome est parfaitement maîtrisé, on peut encore ressentir les couleurs ( approximativement bien sûr ) et apporte une dimension infernale à l'oeuvre.
En fait, on pourrait presque croire à un scénarimage d'un court-moyen métrage. Et c'est parfait !
Très agréable lecture.