Je ne suis un peu surpris de découvrir que certains n’aiment pas Justice d’Alex Ross et Jim Krueger. Selon moi, cela vient d’un effet habituel du lecteur : la fin nous marque davantage que le début. Or Justice a beau ne contenir que 12 numéros, on sent que les trois derniers sont beaucoup trop condensés. La lisibilité s’en ressent et le sentiment d’urgence peine à faire vivre toute la grandeur de ce que l’on devrait avoir, de ce que l’on avait jusque là eu.
Je crois que c’est la qualité d’écriture de cette fin qui pénalise tant le ressenti de certains lecteurs.
Car outre cela, Justice est une mini-série absolument grandiose ! Inspirés de Super-friends, Ross et Krueger peinent une Justice League parfaite, archétypale, dans les années 2000, avec une vision qui dépasse les périodes (Zatanna et Red Tornado dans la Ligue, Barry Allen encore vivant, les Teen Titans des années 60, une Supergirl des années 70-80).
Dans cet univers, les deux auteurs introduisent pour la première fois la Legion of Doom : une union de super-vilains qui décident de sauver l’humanité d’une destruction prochaine que les héros ne parviendront pas à empêcher. Immédiatement le style d’Alex Ross fonctionne parfaitement, son réalisme parvient à rendre à la perfection l’image de grandeur, l’aspect divin de cette mythologie DC. Certains diront que c’est un art-book : oui c’est le cas quand on voit la Batcave par exemple mais dans bien des moments c’est surtout la plus pure incarnation de Superman, de Wonder Woman de la Ligue dans son ensemble.
Le récit fonctionne parfaitement dans ce que DC sait faire de mieux : du mythe, de la grandeur et une enquête. Il faut en effet se prémunir du futur danger apocalyptique qui arrive sur Terre. Simultanément, on voit que les héros sont attaqués en même temps et que Brainiac comme Luthor ont chacun un plan qui leur donne un coup d’avance.
Il y a donc une ambiance policière tout le long mais qui se passe avec nos plus grands héros.
Les deux artistes parviennent aussi à ne pas se focaliser tant que cela sur la Trinité, qui est bien entendu bien en avant, sans qu’aucun des trois ne prenne trop de place, mais on notera une très belle écriture de certains personnages par petite dose : Aquaman, Red Tornado ou encore Green Arrow sont parfaitement écrits.
Mais c’est surtout Captain Marvel qui m’a bouleversé, on sent que pour le duo, c’est lui le véritable « Superman » du récit.
Le tout avec une idée que l’on trouvait déjà dans Justice League : Le Clou et bien souvent chez Johns : Hal Jordan est le plus grand des héros et les Green Lantern sont les plus puissants. Central dans le récit, Hal Jordan parvient pourtant à s’effacer derrière Steward.
Bref, c’est un comics absolument solaire qui permet de bien voir la grandeur des héros. Le dessin d’Alex Ross grandit le propos de Krueger. On est face à un comics d’excellence qui parvient à incarner pourquoi DC offre une telle mythologie.
Le comics s’offre en plus le luxe de multiplier les références récentes (Tower of Babel par exemple) et plus éloignées (la Doom Patrol originelle au hasard).
Inventif dans sa résolution, grandiose dans ses scènes, magnifique dans bien des passages. Justice n’est pas qu’un ensemble d’illustrations mais parvient à isoler ce qui fait de Luthor un véritable méchant, ce qui fait d’Aquaman autre chose qu’un homme qui parle aux poissons, de Joker un méchant à part, de Toyman l’un des pires adversaires de Superman, de Hawkman et Hawkgirl un couple qui survit au temps, de Green Arrow un des hommes les plus courageux et surtout de Captain Marvel le plus héroïque des humains.