Killing Joke par Ninesisters
Ce graphic novel, sorti directement en album et jamais pré-publié, reprend le principe le plus simple, le plus riche, et le plus efficace des aventures de Batman : sa confrontation avec le Joker ! Rien qu'en disant cela, l'histoire est posée, il n'y a rien d'autre à ajouter.
Deux particularités néanmoins dans cette histoire : un Batman qui s'interroge sur sa relation avec sa Némésis, et un Joker qui va accaparer la majorité des 46 pages du récit, se posant en personnage principal.
Alan Moore s'essaye à un exercice casse-gueule avec lequel j'ai traditionnellement un peu mal : il nous dépeint les origines d'un personnage, en l'occurrence le Joker. J'ai toujours considéré que seul le créateur du personnage en question avait le droit d'aborder un tel sujet ; c'est d'autant plus vrai avec le Joker, figure emblématique dont les mystères viennent s'associer à la folie pour créer une entité absolument unique, étrange, et improbable. Mieux vaut ne rien savoir, et je ne crois pas qu'il existe une « raison » à un tel personnage, lui-même l'ayant (sa raison) perdu depuis longtemps. Après, c'est Alan Moore, donc il s'en sort bien ; mais je préfère me ranger du côté de l'avis évoqué par Brian Bolland, le dessinateur, dans la postface de l'édition du 20ème anniversaire de cet album : peut-être ne voyons nous là qu'une version du probable passé du Joker, qui serait née dans son esprit malade. Malheureusement, même si l'hypothèse est tentante, difficile de la considérer comme telle pendant la lecture.
Au-delà de son flashback, l'histoire imaginée par Alan Moore parait relativement simple : le Joker s'échappe, s'en prend au commissaire Gordon et à sa fille Barbara, et Batman part l'affronter après qu'il lui ait révélé là où il se cachait. Tout l'intérêt repose sur la mise en scène du Joker, sur ses réflexions pas si saugrenues que cela autour de sa propre folie et sur son ennemi juré, et sur les propres réflexions de Batman à propos du Joker. Là, je retrouve bien le Alan Moore que je connais, le scénariste de talent. Finalement, The Killing Joke puise sa force justement de son apparente simplicité, et de l'excellent coup de crayon de Brian Bolland.
Ce graphic novel a tout ce qu'il faut pour être incontournable auprès des amateurs du héros (et du genre dans son ensemble) : un scénario à la fois classique et original, deux grands artistes aux commandes, et un Joker qui crève l'écran – ou du moins le papier – dans une prestation mémorable.