L'An Zéro, 1ère Partie - Batman, tome 4 par Antevre
Comment prendre la relève de Année Un ? Oui. Question difficile de l'ère New 52. C'est vrai qu'il est tout sauf facile de passer derrière Frank Miller. C'est pourtant le défi que se lance Scott Snyder avec l'event An Zéro...
C'est quoi, donc, An Zéro déjà ? C'est l'année du retour à Gotham de Bruce Wayne, après son voyage initiatique qui lui a permis d'acquérir l'essentiel des capacités requises pour sa nouvelle occupation de justicier. C'est une année charnière pour beaucoup d'autres personnages de l'univers DC, également concernés par cet event. Mais ici nous parlons bien spécifiquement de l'an zéro de la série Batman, c'est important de le préciser. Dès son retour à Gotham, Wayne s'installe directement dans une base aménagée à Crime Alley, pour garder en tête pourquoi il se bat. N'ayant pas encore adopté son identité héroïque légendaire, il combat le crime en anonyme dans Gotham, et refuse de révéler son retour en tant que personnalité publique. Jusqu'au moment où il croise la route de son plus gros défi de l'époque, le gang du Red Hood...
Je le dis d'emblée, je suis déçu. Pas au point de descendre en flèche complètement ce volume, mais je suis fâché, voire furieux, sur Scott Snyder. En un mot comme en cent, ça ne ressemble à rien.
Autant commencer par le point essentiel qui m'a plu : le traitement du personnage de Batman. Snyder nous livre une interprétation du personnage finalement, et c'est paradoxal (car il clame s'en éloigner le plus possible), pas si éloignée de celle de Miller: Batman n'est pas simplement le produit du meurtre des Wayne. Je vous conseille de passer au paragraphe suivant si vous voulez éviter d'être spoilé. (DÉBUT DE SPOIL) Dans Zero Year, Bruce Wayne ne parvient pas à vaincre le Red Hood avant de se réconcilier avec lui-même, et de comprendre qu'il ne se bat pas par vengeance, mais parce qu'il aime et a toujours aimé Gotham, et que comme ses parents il a envie de la tirer, elle et ses habitants, vers le haut. D'ailleurs enfant il adorait s'enfuir du manoir pour explorer la ville. On est loin du héros tragique unidimensionnel que de nombreux auteurs nous servent à chaque fois qu'ils en ont l'occasion. Tout comme le Batman de Miller tirait un certain plaisir dans son activité, celui de Snyder s'accomplit dans sa mission de sauveur. Ce qui donne un fort potentiel de profondeur au personnage, prêt à être employé à tout moment. Ca, c'est ce qui m'a plu. À l'opposé total, on a le traitement du Red Hood. C'est bien simple, c'est pourri. Et Snyder nous prend pour des cons, avec sa révélation finale (NAN SÉRIEUX C'EST LUI LE RED HOOD? C'EST PAS COMME SI CA FAISAIT PLUS DE 20 ANS QUE C'EST ÉTABLI). Surtout que c'est dramatique pour l'ensemble de la série: le Joker n'a donc pas changé avec sa transformation, il a toujours été un connard sadique et nihiliste. Toute la réflexion sur l'absurde, son côté anarchiste fou tombe d'un coup à l'eau, c'est à dire toute l'essence de son charisme. Je ne comprends pas non plus pourquoi il a fallu intégrer le Sphinx comme personnage indirectement lié à la famille Wayne. C'est ridicule, et peu voire pas du tout cohérent avec son personnage. Espérons qu'il y ait une bonne raison à cela... (FIN DU SPOIL).
Mais ce qui me gêne le plus (à part l'histoire du Red Hood), c'est l'ambiance totalement foirée de ce volume. Snyder voulait s'éloigner du côté policier noir de Année Un pour s'orienter vers une ambiance plus dynamique, plus proche du film d'action hollywoodien. Si je ne suis pas fort d'accord avec ce choix, je veux toutefois bien voir si ça fonctionne, mais non. Ca frise le grandguignolesque par moments. Le personnage de Gordon est déplorable, on passe du flic ténébreux au prototype du bouffeur de donuts, avec des petits airs de Columbo roux qui pourraient être sympa pour une relecture des origines, mais qui sont tout simplement ratés, parce que Snyder possède la subtilité d'un camion-benne, tout comme son acolyte, Capullo, qui est pas foutu de faire autre chose que du dessin descriptif moche.
Parlons-en, du dessin. Eurk. Ca fait un bout de temps que Capullo me soûle, mais là on atteint des sommets.Il y a pas de charmes dans ses cases. Pas d'âme dans ses personnages, pas d'efforts de mise en scène ou de choix de "cadrage" osé dans son boulot. Personnages fixes, plans plats et creux. Ses personnages ont tous la même gueule, et tout est horriblement statique, même en chute libre ou en plein combat, tout semble figé, arrêté. Si dans les autres volumes, l'on pouvait cataloguer tout cela comme du parti pris stylistique, force est de reconnaitre que non. Le Batman de Capullo n'est pas mystérieux, n'est pas rapide, n'est pas fort, n'est pas grand, et son Gotham n'a pas la moindre saveur. Ce n'est pas que Capullo dessine mal, il est même excellent par moments. Mais ses visages sont moches, et très souvent il gère mal le mouvement.
Seul vraie réussite de ce volume, la coloration (à part pour les cheveux de Gordon, eurk). C'est soigné, et totalement en harmonie avec le parti pris de Snyder, qu'on aime ou qu'on aime pas.
Peut-être que d'autres trouveront leur compte dans cette nouvelle vision de Batman, et soyons clair, je n'ai rien contre le changement... Mais rien à faire, je ne suis pas du tout en phase avec Snyder, ni avec Capullo. Je continuerai à lire tout ça parce que ce n'est pas eux qui me feront détester Batman, mais j'espère sincèrement qu'ils vont mieux gérer la suite...