Bon, il n'y a pas à dire, je préfère largement la manière dont Ted Benoît dessine les visages que celle d'André Juillard.
C'est la première fois que nos deux amis vont dans le pays de l'Oncle Sam. Bien sûr, le scénario et les images ne manquent pas d'exploiter ce cadre nouveau, ses particularités, avec le même enthousiasme qu'un Jacobs l'aurait fait, sans aller trop loin dans le pittoresque. C'est un bon point. Avec en supplément, une course-poursuite assez spectaculaire dans ces paysages immenses, car une tornade a le sadisme de s'y inviter (même si le visuel rappelle un peu trop celui de S.O.S. Météores pour que l'on puisse y vanter une quelconque créativité !).
Ah oui, contrairement à Yves Sente qui s'était cru malin en balançant tout de suite la clé de son énigme dans La Machination Voronov, Van Hamme laisse la possibilité aux lecteurs de deviner par eux-mêmes ce que signifient les inscriptions sur la ceinture en cuir faites par l'officier écossais du XVIIIe siècle, ancêtre de Mortimer. Bon point.
On en revient à la SF aussi qui avait eu tendance à être mise totalement de côté lors des albums précédents. Bon point aussi. Par contre, au contraire d'un Jacobs, érudit, mais qui était toujours très soucieux de vous prendre par la main du début jusqu'à la fin de ses explications pour que l'on ne soit pas perdu, j'ai eu l'impression qu'ici, le côté scientifique est un peu trop brouillé (peut-être que c'est dû aussi au fait que je n'ai absolument pas le moindre esprit scientifique !). Et le fan-service nostalgique du Secret de l'Espadon qui est présent ici est trop gratuit et ne sert pas du tout le récit (je vais faire mon faux naïf en espérant que les opus suivants ne feront pas trop dans ce type de fan-service !).
Oui, Basam-Damdu ne sert à que dalle ici. Son peu de présence se résume juste à "bonjour", à "mouahaha, je suis le grand méchant" et, tout de suite après, à "je me casse et vous n'allez plus me revoir du tout". Rien d'autre. Rien d'approfondi.
Le côté futur apocalyptique, même si je lui reconnais une petite pointe d'originalité en restant cette fois dans les années 1950 (donc le futur qui s'invite dans le présent et pas l'inverse !), a déjà été employé dans Le Piège diabolique.
Ensuite Olrik. Déjà, j'ai trouvé que la séquence le mettant en scène sur le barrage Hoover n'est pas très convaincante, n'exploite pas bien l'espace.
Sérieux, le temps qu'il se précipite sur la bombe pour l'enclencher, ses ennemis ont très largement le temps de l'abattre d'une rafale de mitraillette.
Et Jean Van Hamme (ce qui est étonnant parce qu'il semblait pourtant l'avoir parfaitement compris dans L'Affaire Francis Blake !) n'a pas l'air d'avoir saisi que cet antagoniste n'a qu'une seule cause, à savoir la sienne, uniquement la sienne. Alors, non, le fait de voir celui-ci se lancer dans un truc suicidaire pour défendre celle de ceux qu'il "sert" n'est pas du tout convaincant. Et Olrik veut s'amuser égoïstement, avoir sa bonne grosse dose d'adrénaline, ressentir la jouissance de battre nos deux héros, pas se montrer désintéressé en étant prêt à se tuer. De plus, il n'est pas du tout du genre à paniquer face à ses ennemis (face à des éléments naturels, comme les vapeurs sulfureuses dans L’Énigme de l'Atlantide, sur lesquelles il ne peut pas essayer d'avoir le moindre contrôle, oui, mais pas face à des êtres de chair et d'os !).
Bref, le meilleur moyen de rendre hommage à Jacobs (et non pas juste se faire des tonnes de pognon sur son nom !), c'est d'en respecter l'esprit tout en n'hésitant pas à s'éloigner complètement de ce qu'il a fait auparavant en terme d'intrigues, et même de visuels. Vous croyez qu'il avait reculé devant l'audace, devant le chamboulement de son univers en faisant Le Piège diabolique par exemple ? Ben non, il tentait toujours des trucs entièrement nouveaux. Ce serait bien de réellement rendre hommage à Jacobs.
Je n'ai pas détesté L’Étrange Rendez-vous (si j'en donne l'impression, celle-ci est fausse !), mais c'est juste que j'ai eu du mal à retrouver l'enthousiasme que j'ai eu devant la plupart des Jacobs ainsi que devant L'Affaire Francis Blake, car, sans parler de l'incohérence Olrik, à part le cadre, il n'y a vraiment rien de nouveau, vraiment rien de surprenant.