Infinite Loop est un comics français, publié par crowdfunding et qui a vu une parution en single aux US. Rien que par sa forme, j'étais intéressé. Il faut dire qu'au-delà du système d'édition qui me motivait, le graphisme d'Elsa Charretier me faisait de l'oeil. Puis, l'histoire de Pierrick Colinet, sur les voyages dans le temps et l'homosexualité me motivait assez.
Pourtant, Infinite Loop tome 1 est une petite déception. Petite car ça aurait pu être pire, mais déception quand même.
Dans le futur, le voyage dans le temps est largement maîtrisé. Un groupe terroriste en profite pour créer des anomalies qui remettent en cause l'ordre du monde. Teddy est chargée de nettoyer ces anomalies sur le terrain, et cela signifie parfois foutre une rouste à un T-Rex. Heureusement, elle peut compter sur Ulysse, employé de bureau de son époque, qui l'aide par ses conseils.
Si Teddy a bien appris quelque chose de son travail, c'est qu'à travers l'histoire, l'amour a toujours été la première raison pour laquelle on s'est entre-tué. Du même coup, Teddy embrasse pleinement les convictions de son époque, qui considère l'amour comme étant une chose à ne jamais ressentir. Les plaisirs de la vie sans ses extrêmes, en sorte.
Mais un jour, Teddy rencontre Ano, la première anomalie humaine et, immédiatement, elle tombe amoureuse. Mais est-elle prête à renoncer à tout par amour, et surtout, pourra-t-elle échapper à une police qui voyage dans le temps ?
Tel est le pitch de Infinite Loop et, globalement, une grande partie de ce premier tome qui a des allures d'introductions.
Je vais nuancer, d'emblée mon propos en soulignant que ce premier tome nous amène de l'histoire d'amour mal gérée à une cause salutaire : le besoin d'agir. La sexualité a beau être du domaine du privé, les droits des autres sont prioritaires. Nous pouvons risquer de tout perdre pour aider des inconnus, nous devons le faire. C'est donc une BD très engagé, c'est le moins que l'on puisse dire. Malheureusement, cette facette n'apparaît qu'à la fin du troisième chapitre.
Entre temps on assiste à deux caricatures : les méchants et le coup de foudre. Commençons par ce dernier qui est d'une artificialité totale. Teddy tombe immédiatement amoureuse et Ano, pourtant naît depuis moins de 5 minutes et tout de suite réceptive à son charme et veut la séduire également. C'est fait très vite et en quelques planches (équivalentes à quelques heures) le couple est formé comme un parfait modèle d'amour. Désolé mais la sauce ne prend pas avec moi. J'ai besoin de solide, de concret et non pas d'un « elles s'aiment et voilà ». J'ai besoin de voir cet amour et non qu'il soit simplement posé. Et c'est là le vrai gros défaut de ce tome, il faudra attendre le dernier tiers pour ressentir une réalité affective tant ce couple semble gratuit.
Et au niveau gratuit, on est pas en reste vu que les méchants sont très méchants. Homophobes, violents, prétentieux, idiots … Bref, c'était difficile de faire plus caricatural et, là aussi, ça ne marche pas avec moi. Sur un thème aussi sérieux que l'homophobie, un traitement caricatural, même des méchants, m'énerve.
Heureusement Ulysse est là, et même si ça ne se joue que sur quelques dialogues, quelques phrases à peine, on voit que derrière une jalousie et un dégoût primaire, il y a aussi une volonté de se dépasser, de s'améliorer. Bien que ça soit peu, je trouve ça extrêmement salutaire. On voit la beauté d'un personnage qui représente, finalement, l'homophobie lambda : un dégoût qui s'érige comme règle morale. Nul ne peut pourtant forcer à aimer ce qui le dégoutte, mais seul un fou croira que ce qu'il n'aime pas est nécessairement à combattre. Après tout, je déteste la menthe, ça ne signifie pas que ce parfum ne puisse pas convenir à d'autres.
Au niveau de l'histoire on a donc trois chapitres. Un premier qui pose la situation, un second où Teddy et Ano s'échappe et un troisième où l'on voit le développement de leur relation. C'est court donc et on reste dans une introduction qui appelle un développement qu'on retrouvera dans le prochain tome. J'ai donc du mal à avoir un avis assez global rien que sur ce tome. C'est trop introductif, trop superficiel sur certains contenus aussi, comme je l'ai dit.
Même le trait magnifique de Elsa Charretier souffre des vides du décors, l'ambiance est claire, lumineuse et manque donc de décors, c'est naturel vu l'ambiance, mais on peut quand même le regretter tant ce qu'on voit est beau.
C'est pour moi un petit coup de cœur graphique.
Infinite Loop tome 1 ne casse pas trois pattes à un canard, trop rapides sur certains points, il souffre à mon avis d'être réellement introductif, ne pouvant se permettre de prendre le temps de développer certains détails ni ne pouvant amener la vraie aventure, pleine et entière. Dans le format ça reste intelligent et la fin ouvre tant de possible qu'on est alléché. La revendication qui s'y fait sentir, si éloigné d'un message simple comme « sauvons nos amours » mais bien « sauvons les autres » m'a grandement motivé pour la suite.
C'est donc une semi-déception mais ce n'est aussi que le début. Infinite Loop tome 1 reste un moment plaisant, agréable mais qui ne se donne peut être pas assez les moyens de convaincre de son sérieux dans un premier temps.