Ce tome fait suite à Black Science Tome 1 (épisodes 1 à 6) qu'il faut impérativement avoir lu avant, sous peine de ne rien comprendre. Il contient les épisodes 7 à 11, initialement parus en 2014, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Matteo Scalera, avec une mise en couleurs réalisée par Dean White (épisodes 7 à 10) et Michael Spicer (épisode 11).
Nathan et Pia McKay (les enfants de Grant McKay) sont détenus par les extraterrestres qui commencent à les apprêter pour le sacrifice à venir à l’occasion de la fête des moissons. Dans le même temps, un personnage non identifié se souvient de son père, un fermier ayant aidé les autres pendant une grande famine, et étant mort de la malaria. La voix évoque également son parrain Hazim qui avait promis à son père de s'occuper de son fils et qui a tenu sa promesse coûte que coûte. Pia et Nathan son emmenés sur la grand place, ligotés debout à des pieux sur un chariot. Un extraterrestre d'une autre race avec le symbole de la Science Noire sur le front commence à énoncer les prières de la moisson, par télépathie. Il est brutalement mis à mort par la foule. Soudain le conducteur en armure du char lance sa monture à toute vitesse et se dirige vers la sortie de la grand place, avec toujours les enfants ligotés à l'arrière, ainsi que Rebecca Dell et Shawn. La voix désincarnée évoque le moment où il est parti pour les États-Unis, laissant son père adoptif derrière.
Le chevalier sur la monture relève son heaume : il s'agit de Kadir qui compte bien tenir la promesse qu'il a faite à Grant McKay, à savoir veiller sur ses enfants. Ils se trouvent au sommet d'une route en lacet menant à la citadelle dont ils viennent de sortir, et leurs poursuivants sont juste derrière eux. Kadir a détaché les enfants, mais un extraterrestre en a profité pour sauter sur la monture et l'attaquer. Il perd son arme à feu dans le combat qui s'en suit. Du fait des cahots, Shawn tombe du chariot, mais réussit à saisir une corde sur laquelle Pia et Rebecca tirent de toute leur force pour essayer de le remonter. Alors que Kadir n'arrive pas à prendre le dessus sur son adversaire, le Shaman intervient pour l'aider. Alors que le petit groupe semble reprendre le dessus, un énorme monstre les prend en chasse, et Jenpo l'aquatique dégorge un véritable raz-de-marée. Shaman perd conscience. Nate & Pia sont emmenés par la vague par-dessus le précipice, sous les yeux de Kadir, Rebecca et Shawn. Kadir ne se pardonne pas de n'avoir pas su tenir sa promesse.
Rick Remender avait terminé son premier tome sur une mort inattendue semblant signifier que le personnage principal n'était pas celui que le lecteur pensait au bout de 6 épisodes. Pour ce deuxième chapitre, il continue sur sa lancée : un récit d'action très rapide, avec des informations sur les différents personnages, saupoudrées tout du long. Avec les épisodes 6 et 7, le scénariste utilise un dispositif narratif qu'il affectionne : les images et les dialogues racontent l'aventure, et les cellules de texte contiennent un flux de pensées qui appartiennent à un personnage dont l'identité n'est dévoilée que vers la fin de l'épisode. Ainsi le lecteur est empoté par la rapidité des péripéties spectaculaires, tout en se demandant qui pense, et en effectuant le rapprochement entre lesdites pensées, les différents personnages pour deviner de qui il s'agit, et ce que montrent les dessins pour effectuer des rapprochements. Il s'agit donc d'une lecture dense, rendue encore plus intrigante par le fait que l'histoire en est encore à son début et que le scénariste présente progressivement de nombreux éléments nouveaux. Le lecteur se rend compte qu'il assimile de nombreuses informations, tout en se demandant lesquelles relèvent du fil directeur, et lesquelles participent à un autre thème. Par exemple à la sixième page de l'épisode 7, la créature qui parle par télépathie porte sur son front le symbole de Black Science : est-ce un indice capital, ou juste une information secondaire ?
Néanmoins, le lecteur est tout de suite happé par l'action. Nathan, Pia, Rebecca et Shawn sont à quelques minutes d'être sacrifiés. Le lecteur découvre un dessin en double page de la foule animée par une ferveur intense, ces créatures ayant des dents acérés découvertes par leur excitation. 2 pages plus loin, Matteo Scalera montre le chariot et son attelage lancé dans une course effrénée, avec des traits de vitesse dirigés vers le point de fuite positionné sur le chariot : l'effet est très impressionnant. 4 pages plus loin, le lecteur découvre la hauteur vertigineuse à laquelle se trouve la citadelle par une vue en plongée dans une case de la hauteur de la page. Jenpo l'aquatique surgit dans un dessin occupant la largeur de 2 pages et les 2 tiers de la hauteur. 2 épisodes après, se déroule une course-poursuite en voiture dans les rues d'une ville où l'artiste fait des merveilles pour montrer la vitesse, les étalages volant en l'air lorsqu'ils sont touchés par les véhicules, et les manœuvres pour éviter les autres voitures. Dans le dernier épisode, 2 humains doivent affronter plusieurs dizaines de créatures et Scalera impressionne encore avec ses dessins montrant la vitesse des mouvements et l'impact des coups portés.
Dès la première page, le lecteur est à nouveau impressionné par le mariage des traits encrés et de la couleur. Il s'agit d'une nature morte : un tranchoir planté dans un billot formant un plan de travail dans une cuisine de type médiévale. Le lecteur a l'impression d'observer une toile peinte, un dessin pleine page réalisé en couleurs directe. Par la suite, les traits encrés reprennent le dessus, et Dean White continue à nourrir les dessins de manière extraordinaire, créant à chaque case une ambiance lumineuse à nulle autre pareille, ce qui alimente l'étrangeté des lieux et des êtres vivants. Michael Spicer sculpte un peu moins les couleurs dans le dernier épisode, mais il s'avère déjà très prometteur pour succéder à Dean White. Matteo Scalera est en phase avec la mise en couleurs et dessine également des objets et des costumes étranges qui montrent qu'il s'agit d'un récit de science-fiction. Le lecteur retrouve les combinaisons des humains, entre tenue spatiale et cuirasse, avec la démonstration inattendue de l'une de leur fonctionnalité. Celle du Shaman présentent des particularités différentes, et celle revêtue par Kadir s'approche plus d'une armure médiévale. L'artiste crée également différentes races humanoïdes dotées de conscience, avec des morphologies spécifiques à chaque fois, mention spéciale à la longueur de la langue des créatures arboricoles dans l'épisode 8. Il a l'art et la manière de concevoir des endroits spectaculaires et d'y mettre en scène les protagonistes de manière à ce qu'ils évoluent en fonction des volumes et des obstacles. Le lecteur se rend également compte que la mise en couleurs vient compléter à point nommé les fonds de case quand l'action prédomine.
Grâce à la mise en images (dessins + couleurs), le lecteur éprouve la sensation de se trouver dans un autre univers, sur d'autres mondes, et d'évoluer au milieu de races très différentes de la race humaine, même si la morphologie humanoïde (tronc, bras, tête, jambes) prédomine. Il suit donc avec plaisir la course effrénée des personnages pour être au rendez-vous du prochain saut déclenché par le Pilier. Il obtient la confirmation que chaque personnage échappe à la dichotomie gentil/méchant, car les flux de pensée apportent des informations sur son histoire personnelle, ce qui permet de comprendre ses valeurs et ses objectifs. Par exemple, Kadir n'est pas juste un sale profiteur, un bureaucrate construisant sa carrière sur le travail des autres, ne souhaitant que dénigrer Grant McKay pour s'approprier le mérite de son invention. Même les enfants Pia et Nathan McKay ne se limitent pas à des personnages angéliques du fait de leur jeune âge, et disposent de leur propre caractère, celui du frère n'étant pas interchangeable avec celui de la sœur. En fonction de sa sensibilité, le lecteur apprécie plus ou moins le systématisme de la construction narrative qui consiste à développer un personnage par son flux de pensée, à raison d'un par épisode. Néanmoins cette forme de construction permet de donner le temps au lecteur d'assimiler les informations par unité cohérente (1 personnage à la fois), tout en continuant à faire progresser l'aventure spectaculaire.
Rick Remender joue avec la notion d'univers parallèles, de manière facétieuse : Grant McKay et les autres (ses enfants Pia & Nathan, Kadir et son assistante Chandra, Rebecca Dell et Shawn) passent d'un univers à un autre et se retrouvent en danger. Dans le même temps, il apparaît que ce groupe de personnages (Grant McKay en premier) joue un rôle primordial dans l'ordre du multivers, ou plutôt dans le risque de son effondrement, du fait de l'invention de Grant McKay et de son équipe. Qui plus est, il n'y a pas qu'un seul Grant McKay, puisqu'il existe également sur des Terre d'autres univers, et sa vie ne s'est pas déroulée exactement de la même manière. Enfin la technologie du Pilier a également été conçue dans d'autres univers, et mise à profit de différentes manières. C'en est presqu'un miracle que Rick Remender réussisse à manier autant de paramètres sans perdre son lecteur en cours de route. Ainsi le récit charrie le thème de la famille (cher au scénariste), ainsi que celui des décisions prises dans un sens ou dans l'autre, les conséquences afférentes se télescopant au travers de la rencontre des versions d'un même personnage se rencontrant.
Ce deuxième tome poursuit dans la lancée du premier, avec des scènes d'action spectaculaires grâce aux dessins très dynamiques de Matteo Scalera et à la riche mise en couleurs de Dean White. Rick Remender met en œuvre un mode narratif dense et sophistiqué pour que le lecteur puisse ressentir le plaisir immédiat de l'aventure, découvrir l'histoire personnelle et le caractère des principaux personnages, commencer à entrevoir l'ampleur des enjeux et la complexité de l'entrelacement des différents univers. Ce mode narratif donne parfois l'impression d'être un peu artificiel (construction répétitive) et d'être très touffu du fait du nombre de fils narratifs entrelacés.