Enfant, j’ai « été » Tintin, comme d’autres pouvaient « être » Saint-Etienne ou PSG, avant d’« être» Astérix, deux séries dont je collectionnais les albums. Spirou n’était qu’une lecture subsidiaire, rapidement avalée chez les copains ou à la bibliothèque municipale. J’ai grandi. Le mythique Hergé est mort, laissant un vide béant. Après la disparition de Gosciny, Astérix aurait mieux fait de se laisser mourir. Spirou a continué. Le choix de Dupuis de renouveler régulièrement ses auteurs était audacieux mais, au final, a payé. Plutôt que de fossiliser un style, comme pour Blake et Mortimer ou Corto Maltese, il leur a laissé carte blanche. Il a même élargi sa palette avec les étonnants Le Spirou de… La colère du Marsupilami est le 55e album de la série classique et le 5e du duo.
Le dessin de Yoann ne manque pas de mérite ; sa couverture est magnifique, son Marsupilami excellent, sa jungle crédible et ses personnages « bougent » bien ; mais est par trop inégal. Il hésite entre les codes de la ligne claire et ceux du manga (cf. les calamiteuses pages 4 ou 32). Le scénario est affligeant. Vehlmann se donne un mal infini pour crédibiliser la longue disparition du Marsupilami, alors que les fans savent qu’elle est due à une histoire de gros sous… et les autres s’en moquent. La zorglonde est un piteux deus ex machina, rendre Zantafio accro à une drogue dure ne me semblait pas indispensable et la fin est bâclée. Il est temps que Velhmann se renouvelle, qu’il crée de nouveaux personnages au lieu de recycler à l’infini l’imaginaire de Franquin.
Au final, un album bancal qui ira rejoindre les précédents dans ma bibliothèque, car j’ai récemment acquis la série complète : « Suis »-je donc désormais aussi Spirou ?
Octobre 2017