Une galère pour le lecteur
Une idée couramment admise est qu'après le décès de Goscinny, Uderzo soit allé de mal en pire jusqu'au Ciel leur est tombé sur la tête, qui apparaît comme la fin d'une époque. Cela est évidemment bien faux, premièrement parce que Le Grand Fossé, par exemple, premier tome sans Goscinny, était une réussite. Deuxièmement, Uderzo n'a pas attendu que le ciel lui tombe sur la tête pour se rater. Le 30ème tome, loin d'être digne de ce chiffre mythique, est le premier gros échec d'Astérix. Pour moi, avant 2005 et le trente-troisième album la Galère d'Obélix était, et de loin, la pire production Astérix.
Uderzo essaye encore de chambouler les habitudes et tient à s'éloigner du modèle habituel qui consiste à faire visiter à Astérix et Obélix un pays étranger. A ce propos on peut saluer le courage et l'intérêt de ce genre de motivation. Le Fils d'Astérix et La Rose et le Glaive était déjà apparus comme des variantes intéressantes (bien que pas forcément bien réussie).
Ici, Uderzo imagine une histoire où Obélix réalise enfin son souhait : reboire de la potion magique. Malheureusement, cela transforme le grand (et pas gr...) guerrier en granit pendant un temps avant qu'il redevienne humain ... Mais enfant. Et Panoramix n'a aucune idée de comment le ramener dans son état normal. Dans le même temps, la plus belle des Galères de César a été volé par un groupe d'esclaves dont le meneur s'appelle Spartakis et est le sosie de Kirk Douglas.
L'histoire paraît assez gratuite et les transitions entre les "scènes" semblent bien faciles et totalement dépendante du bon désir d'Uderzo. On ne pourra pas omettre l'aspect totalement déconnecté de ces tableaux. La Galère de César apparaissant parfois au premier plan, parfois totalement secondaire. Quant au passage sur l'Atlantide, on assiste à une espèce de trip hallucinatoire qui laisse deviner qu'Uderzo aime les histoires sans queue ni tête.
Globalement l'histoire est un échec, on ne se sent pas captivé. Il faut bien comprendre que tout n'est pas franchement très bien connecté. Les wagons ne sont rattachés que par de la ficelle ce qui perturbe le lecteur. L'intérêt du scénario est aussi très moyen et semble tellement gratuit et hallucinatoire par rapport à ce que l'on proposait avant qu'on ne peut que s'étonner.
Véritablement loupée, l'histoire plombe totalement les intérêts du lecteur.
Il reste le dessin qui est toujours au niveau, je dirais même que j'ai été agréablement surpris par rapport à la Rose et le Glaive, Uderzo s'est repris en main et offre un très bon boulot.
Pour l'humour, cela varie, le début est franchement comique et tout le passage avec un Obélix en granit est hilarant. A l'inverse, on assiste à plusieurs scènes (notamment l'Atlantide) qui m'ont moins plu.
Au final, si l'humour est encore bien au rendez-vous (tout en sachant qu'Uderzo n'est pas Goscinny, donc arriver à faire rire c'est déjà pas mal) et que le dessin est bon, le côté gratuit de l'oeuvre choque pas mal. La qualité du scénario est si bas qu'on ne peut qu'être blasé et se demander si Uderzo n'a pas fait ce tome "par principe" sans souhaiter travailler un minimum l'enchainement scénaristique ou le rythme narratif.