Une bande-dessinée lue très jeune et qui est restée gravée. Il y a d'abord le titre que l'on retient et qui doit peut-être un peu au plus célèbre album de Blake et Mortimer, paru quelques années plus tôt. Ce n'est d'ailleurs pas le seul trait commun aux deux albums : dans La Marque Jaune aussi, une figure inquiétante et masquée, agile sur les toits, commet ses forfaits de nuit et obéit à un mage. Peut-être davantage encore que dans la Marque Jaune, le début de l'album crée une atmosphère quasi-fantastique : ce sont des pages qui impressionnent longtemps. On sent la présence menaçante du volcan, l'air est tiède, moite et étouffant. Et puis, il y a l'histoire, superbement cruelle, qui n'a rien à envier là-dessus à des albums postérieurs comme Le Prince du Nil, L'enfant grec, L'empereur de Chine ou Vercingétorix, eux aussi plutôt sombres mais qui ne mettent pas aussi mal à l'aise. Sérieusement, c'est une œuvre décisive pour sortir de l'enfance.
Par rapport à d'autres Alix - on pensera par exemple à ceux cités plus haut -, une bonne partie des aventures se passent en Italie. J'en remercie Jacques Martin car si son dessin des villes romaines, et en particulier de Pompeii, a un effet certain sur l'imaginaire, il n'a pas le talent du Douanier Rousseau pour évoquer la luxuriance des tropiques. Alix a la bougeotte, c'est le problème. Mais que je me garde de lui en vouloir là-dessus puisque j'ai eu moi-même l'occasion de me rendre à Pompei et à Ercolano récemment. En visitant les ruines antiques mais surtout en admirant la literie en bois carbonisée de la réserve du musée d'archéologie (être chercheur en dendrochronologie recèle quelques privilèges), quelques pages de La Griffe Noire, plus puissantes que jamais, ont défilé dans ma tête.