Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jean Van Hamme connait la musique et récite parfaitement sa partition. Après un premier bloc de cinq aventures, la relance scénaristique que représentait Le dossier Jason Fly est ici remarquablement conclue par ce septième tome. Fonctionnant comme un dyptique, il apporte ici les réponses soulevées par le précédent opus. Reprenant tous les codes du cinéma américain, il mélange astucieusement différentes références avec l'histoire des États-Unis. Guerre froide, Maccarthysme et Klu Klux Klan au fin fond du trou du cul de l'Amérique forment un ensemble de thèmes particulièrement bien exploités même si, bien entendu, les ficelles peuvent paraître un peu grosses. La vie de XIII est définitivement liée à l'histoire des États-Unis et tous les moyens sont bons pour intégrer son histoire aux événements marquants du pays de l'oncle Sam. C'est évidemment tiré par les cheveux et fort de café, mais on peut voir en XIII ce personnage qui ne veut pas voir la vérité de son pays en face et qui, par la force des choses, est bien obligé de s'y confronter. Cette interprétation vaut ce qu'elle vaut (autrement dit pas grand chose) mais on ne peut nier que Jean Van Hamme s'évertue à travers cette saga à nous proposer une relecture de l'histoire des États-Unis.
Comme lors du précédent opus, on retrouve une atmosphère particulièrement soignée avec ses personnages typiquement ricains : le notable qui tient "sa" ville par l'argent, le shériff pourri jusqu'à l'os, le fils qui veut s'émanciper de ce père odieux, la jolie fille facile pas si binaire que ça et quelques autres personnages secondaires au profil très typé. Dans une Amérique profonde qui a ses secrets et ses merveilleux paysages neigeux, William Vance régale. Si ses visages restent un point faible, ses décors et ses ambiances sont un régal pour les yeux. Ils participent grandement à la réussite de ce dyptique où, avouons-le, le major Jones n'a jamais été aussi sexy, elle, la jolie Black confrontée au racisme ordinaire des campagnes américaines où on chasse le cerf comme un homme ou une femme si leur tête est mise à prix. Jean Van Hamme exploite en cela les canevas des westerns ou des films d'actions des années 70 et 80 avec des dialogues plus joliment fleuris qu'à l'accoutumée. L'arrivée de XIII change la donne et provoque des réactions en chaîne. Le pitch est classique mais la maîtrise des codes est remarquable et la conduite du récit, comme toujours, totalement maîtrisée.
Ce "XIII chez les ploucs" apporte aussi son lot de révélations. Là aussi, pas de surprise dans le développement mais c'est très bien fait. Encore une fois, le lecteur, même s'il se prendre au jeu, n'est pas certain qu'on ne le trimballe pas encore une fois mais l'enjeu n'est pas là. L'enjeu, même si cela peut paraître parfois trop didactique, c'est la confrontation de XIII avec son passé et celui de son pays. C'est aussi une relance incessante du titre puisqu'on rappelle à plusieurs reprises que la saga n'aura pas de fin tant que le numéro I ne sera pas démasqué. On appréciera aussi dans cet opus, le retour du colonel Amos et, semble-t-il, un premier épilogue pour La Mangouste. Comme dans Le dossier de Jason Fly, le rythme est tout à fait équilibré entre révélations, suspense, action, mais aussi temps accordé aux différents personnages, comme en témoignent les trois très belles dernières planches. De la vraie très bonne BD qui rend hommage à la série B américaine avec intelligence. On se régale.