Trouver qui on est, une case à la fois (ou presque)

La Page blanche de Boulet et Pénélope Bagieu, c’est un peu comme ouvrir un carnet de notes vide : prometteur, intrigant, mais parfois frustrant. Cette collaboration entre deux figures majeures de la bande dessinée contemporaine nous plonge dans l’esprit d’Eloïse, une jeune femme qui perd la mémoire et tente de reconstituer sa vie. Si l’idée de départ est captivante, l’exécution, elle, laisse parfois un goût d’inachevé.


L’intrigue démarre fort : Eloïse se retrouve sur un banc, sans aucun souvenir de son identité ni de ce qu’elle faisait là. Ce point de départ promet une quête intérieure mêlée de suspense, et effectivement, on est tout de suite accroché. Mais à mesure que l’histoire avance, on ressent un certain essoufflement. Les pistes sont explorées sans jamais vraiment prendre de profondeur, et la résolution, bien que cohérente, tombe un peu à plat. On s’attendait à un feu d’artifice existentiel ; on se retrouve avec une étincelle timide.


Graphiquement, le style de Bagieu est impeccable. Ses personnages sont expressifs, et ses décors, bien que souvent minimalistes, servent parfaitement l’ambiance. Les touches d’humour visuel et la douceur des couleurs rendent la lecture fluide et agréable. Mais visuellement, l’histoire aurait peut-être mérité un peu plus d’audace pour accompagner les méandres psychologiques d’Eloïse.


Côté écriture, Boulet injecte son talent habituel pour capturer les petites absurdités de la vie quotidienne, mais ici, son style semble légèrement bridé. Les dialogues sont efficaces et les monologues intérieurs crédibles, mais ils manquent parfois de cette touche de folie ou d’intensité émotionnelle qu’on pourrait attendre d’un récit sur l’identité et la mémoire. Il y a de bons moments de réflexion, mais l’ensemble reste trop sage pour vraiment marquer.


Le principal problème de La Page blanche, c’est qu’elle semble hésiter entre plusieurs tons : comédie douce-amère, drame introspectif, ou mystère captivant. Ce mélange d’intentions, bien qu’intéressant, finit par diluer l’impact du récit. On reste curieux tout au long de l’histoire, mais sans jamais être totalement emporté.


En résumé : La Page blanche est une œuvre charmante et bien réalisée, mais qui manque un peu d’audace pour transformer son concept intrigant en une expérience vraiment mémorable. Une lecture agréable pour ceux qui aiment les récits légers avec une touche de mystère, mais qui risque de laisser les amateurs de profondeur un peu sur leur faim. Eloïse remplit peut-être sa page, mais on aurait aimé qu’elle aille plus loin dans les marges.

CinephageAiguise
6

Créée

hier

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