Je pensais pas passer un aussi bon moment.
Depuis qu'Uderzo a repris les rennes de la série, on peut dire que ce n'est plus pareil, c'est différent. Et c'est peut-être pas plus mal. Ç'aurait été dommage que le dessinateur s'évertue à imiter Goscinny ; même si les deux auteurs ont des sensibilités similaires, ils restent différents et ont leurs goûts personnels. Il fallait donc qu'Uderzo parvienne à trouver sa voix, et je pense que c'est le cas avec cette histoire ainsi qu'avec "Le fils d'Astérix". Deux histoires qui désacralise la série, lui donne un sacré coup de pied au derrière, change totalement le sens du mot aventure. Ce que Uderzo propose, c'est vraiment de tourner en dérision son petit village d'irréductibles, d'aller chercher les conflits ailleurs que chez les romains. C'est pas bête parce que, franchement, on a fait le tour des aventures d'Astérix autour du monde.
Le scénario est plutôt bien ficelé : des conflits, des objectifs, des situations drôles, quelques jeux de mots toujours, mais pas trop et assez bien sentis. L'intrigue est très simple, mais l'auteur exploite chaque scène. La fin s'avère tout de même un peu trop facile, reposant principalement sur les clichés.
L'album a fait couler beaucoup d'encre à sa sortie : Uderzo est taxé de sexiste et s'en prend plein la tête. Et ce n'est sans doute pas à tort, cet album est réellement sexiste en soi, la femme ne fait qu'attirer des ennuis au village et reste, malgré toute sa bonne volonté, dépendante de sa féminité : les belles robes et les soldes seront toujours le point faible de la femme, tandis que l'homme se doit de reprendre sa place aux armes.
Je ne suis absolument pas d'accord avec cette vision des choses. La femme et l'homme ont bien sûr des différences physiques, mais cela ne veut pas dire que le sexe dit 'faible' devra toujours courber l'échine, se contenter de son rang social et des boulots qui vont avec ; tout est possible pour tout le monde. Et l'on ne peut réduire un groupe à un stéréotype : chaque personne a son individualité ; certaines femmes seront coquettes, d'autres non.
Mais est-ce vraiment nécessaire de débattre de la sorte autour d'un album d'Astérix ? Certes, la femme en prend pour son grade dans cette histoire. Mais serait-ce oublier que durant les 28 albums précédents, et même encore celui-ci, c'est l'homme qui prend un sacré coup ? Même Astérix et Obélix sont remplis de défauts, il n'y a pas un seul personnage pour rattraper l'autre. Il suffit de lire Astérix chez les Belges, où chacun joue à celui qui a la plus grosse et s'offusque à la première occasion : péché de vanité et d'orgueil. De bêtise aussi. Non, vraiment, je ne vois pas l'utilité d'un tel débat, ni une bonne raison de bouder un album. Personnellement, ce ne sont pas les idées que je critique, mais bien la manière de les faire passer. Et pour cela, Uderzo a construit assez solidement son intrigue.
Ce n'est pas parfait non plus. La résolution finale est bien trop facile, de même que de montrer la menace au dernier moment seulement, empêche d'approfondir certaines situations ou certains personnages. Mais ça passe. Par rapport à tout ce qu'il se passe dans ce simple album de 44 planches, on peut dire que c'est bien rythmé.
Et graphiquement, Uderzo a réussi à cacher la baisse qualitative de son trait : il dessine ses décors un peu différemment, ses expressions sont justes aussi. Peut-être parce qu'il a pris plus de temps pour réaliser ses dessins ? Toujours est-il que j'ai apprécié voir ces femmes gesticuler et crier dans tous les sens.
Bref, "La rose et le glaive" est un album assez fort sympathique ; tout en conservant les personnages et l'univers, Uderzo parvient à personnaliser la série, à délivrer quelque chose qui vient de lui et non de ce que Goscinny aurait pu faire...