Peyo installe le conflit dans son univers pour continuer d’affirmer les caractères des schtroumpfs dans ce troisième volume, où une courte aventure succède à une longue histoire au village, paisible en apparence, des schtroumpfs.
Dans La Schtroumpfette, Gargamel crée une créature féminine avec de l’argile, et lui donne vie grâce à une recette, bien misogyne, de magie noire. Censée semer la zizanie au village, elle ne récolte d’abord qu’indifférence et lassitude, jusqu’à ce que le Grand Schtroumpf s’occupe d’arranger son apparence. De brune filasse à blonde pulpeuse, la voilà avec tous les schtroumpfs à ses pieds. Les catastrophes succèdent alors aux brouilles… Finalement, la schtroumpfette, comprenant combien elle est source de discorde, quitte le village pour laisser les petits hommes rester d’innocents garçons, et s’épanouir dans la camaraderie. Si la superficialité féminine est le déclencheur de la zizanie, Peyo ne donne pas le beau rôle pour autant aux mâles de la troupe : les schtroumpfs font preuve d’une grande niaiserie face à celle qu’ils ne comprennent pas. Misogynie donc, chaos social dans l’équilibre fragile d’un univers plutôt asexué, La Schtroumpfette, bien qu’album révélateur de l’équilibre fragile du village, n’est pas la meilleure aventure des petits lutins.
La Faim des Schtroumpfs narre l’exode du petit peuple un hiver de famine, et permet de mettre en avant un certain désintéressement et toute la générosité des lutins bleus. Cette histoire courte, dont l’enjeu principal est de se nourrir, fonctionne bien : les schtroumpfs y vont à l’essentiel.
L’humour du petit univers s’affirme toujours un peu plus. Les caractères se précisent et chacun commence d’être nommé. Peyo continue de développer le monde des schtroumpfs, et d’y épingler ainsi les travers de l’humain autant qu’il y met en valeur son inclination naturelle à la bonté. Un peu rêveur, Peyo dessine une grande utopie de fraternité dans un univers minimaliste.
Matthieu Marsan-Bacheré