Le cinéma nous a appris depuis longtemps que les très méchants cow-boys blancs massacrent des enfants Indiens. On le sait depuis tellement longtemps que c'est maintenant un cliché, de faire intervenir une bande de balourds crasseux, ivrognes, et immoraux, qui zigouillent des tribus pour montrer qu'ils sont des durs. Lorsque Sokal, pourtant bon scénariste, tombe dans cette facilité là, on est forcément un peu déçu.
Mais si Sokal s'autorise ce cliché, c'est bien que l'essentiel est ailleurs. Cette « Vallée perdue » nous offre une plongée dans les univers que l'auteur affectionne particulièrement, avec une nature puissante et féroce, et des humains qui deviennent des poupées entre ses griffes. Le personnage principal, Kraa, est un seul être, qui se partage deux corps, un garçon et un aigle : ils sont si étroitement liés qu'on peut y voir une seule et même entité. En choisissant l'aigle comme narrateur principal, le scénario, quoique convenu, se trouve amené sous un angle inattendu ; c'est une excellente trouvaille.
Enfin, le dessin est somptueux : sauvage, très ombré, il rend parfaitement la nature, ses étendues désolées, mais aussi la ville crasseuse et le progrès crachotant. Une attention particulière est apportée à l'aigle, à ses yeux et à ses vols. C'est un album graphiquement abouti.
Bref, c'est un scénario un peu convenu, mais présenté avec originalité, et très bien enrobé. On lira la suite avec plaisir.