Blanche-Neige et les 3 meurtriers
Pour quelqu'un comme moi qui a déjà lu Lone Wolf and Cub (Baby Cart, du même scénariste) ou même Golgo 13, dans un autre registre, et tous ces gekiga (genre de manga né dans les années 1970 traitant des thèmes adultes et sérieux comme la violence, la politique, les conditions sociales,...), Lady Snowblood a un goût de déjà lu. Il est cependant frappant et instructif de lire l'histoire de l'héroïne qui a inspiré la Bride de Kill Bill.
L'assassin Lady Snowblood, Yuki Kashima (Yuki signifie "neige" en japonais) de son vrai nom, est à la recherche des violeurs de sa mère dans le Japon de l'ère Meiji (pendant les années 1870). En chemin, elle exécutera des contrats d'assassinats divers et variés et fera la rencontre d'un large éventail de personnages allant de pauvres paysans à de grands personnages politiques. Pour continuer sur les analogies, il est intéressant de voir que le titre original de Lady Snowblood est Shurayuki Hime. Or, le nom japonais de Blanche-Neige est Shirayuki Hime. Kazuo Koike et Kazuo Kamimura font un jeu de mots sur la prononciation des deux pour passer de Princesse Blanche-Neige à Princesse Neige-Carnage.
Les différentes histoires sont bien traitées et l'ambiance est plutôt réaliste. Même si j'ai essayé de trouver des informations sur la Société Akatsuki décrite dans le 3e tome et que je n'ai rien trouvé à son sujet. Par contre, il existe la Kenpeitai ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Kenpeitai ), la police miltaire de l'armée impériale japonaise. Cette police secrète a été créée en 1881 avait pour but de réprimer les opposants et était considérée comme la Gestapo japonaise. Mais Yuki est véritablement au centre de l'œuvre. Et lorsque les histoires ne sont pas centrées sur elle, c'est pour mieux en apprendre sur son passé. Yuki porte ce manga avec brio : elle est forte, invincible, mortelle et pourtant humaine.
Mais c'est là que le bât blesse car à nouveau, c'est très proche de Lone Wolf and Cub et tout ce que j'ai lu ici se rapporte aux histoires de Kozure Ookami : des pièges, des combats, de la rédemption,... Pire que tout, et ça, je n'aurais jamais pensé le dire un jour, mais je trouve qu'il y a trop de scènes de nudité et de sexe. Yuki se sert régulièrement de sa beauté pour atteindre son objectif et il y a même une histoire dans laquelle elle se donne à sa victime, un gigantesque puceau incompris. Cette dernière scène est pleine de compassion mais dans l'ensemble, c'était trop pour moi. Comme si c'était une distraction (au sens propre) du véritable but. J'aurais aimé que ce soit parfois éludé car on a bien compris, au bout du 1er tome que c'était une de ses armes préférées.
Cependant, pour moi, la force de Lady Snowblood tient dans sa cohérence qui vient en partie de son format court (3 volumes d'environ 350 pages) avec une histoire complète puis un gros épilogue. A la fin des 3 tomes, on aura vécu la vie de Yuki, son histoire, sa naissance maudite, son destin et surtout de suivre tout ceci de manière fluide grâce à l'utilisation parcimonieuse des flashbacks. Cette compacité permet d'avoir une histoire complète et marquante avec une héroïne touchante et mortelle. C'est d'ailleurs avec ces flashbacks qu'on sent l'influence de Lady Snowblood sur Kill Bill : non seulement l'histoire est totalement inspirée de Lady Snowblood, mais en plus les constructions narratives des 2 œuvres se ressemblent. Pour couronner le tout, Oren Ishii semble être une copie de Yuki. Lady Snowblood aura donc laissé son empreinte dans le vaste champ de neige qu'est le cinéma.