Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie parue en 1991.
Dans Le retour de Thanos, Thanos a acquis les 6 gemmes de l'infini. Il dispose maintenant d'un pouvoir qui fait de lui l'égal d'un dieu. Pas un dieu à la sauce Marvel, un dieu qui a tout pouvoir sur les composantes de l'univers : le temps, l'espace, le pouvoir, l'esprit, la réalité et l'âme. Il a aussi bien le pouvoir d'anéantir l'univers entier que de créer tout et n'importe quoi (même la vie) à son bon vouloir. Il est Dieu dans l'acceptation pleine et entière du terme, il est omnipotent dans le sens littéral du terme. Et il est amoureux de la personnification de la Mort. Quelque part dans l'espace, il réfléchit à ses actions. Mephisto (le Satan de l'univers Marvel, celui qui collecte les âmes des pêcheurs) est aux cotés de Thanos. Mais ses premiers jours en tant qu'être suprême commencent mal : la Mort le repousse pour différentes raisons. Il faut qu'il crée une action à la mesure de son amour. D'un simple claquement de doigt il met fin à la vie de la moitié des êtres vivants de l'univers. L'instant d'avant il y a avait 40 personnes devant vous sur le trottoir, l'instant d'après il n'y en a plus que 20 (si vous faîtes partie des survivants). Il en est de même partout dans l'univers, quelle que soit la planète considérée. Il s'occupe également de manière créative de Nebula, celle qui prétend être sa petite fille. Sur Terre les superhéros ne peuvent que constater bêtement la disparition de la moitié de la population humaine. Dans une chambre d'hôtel minable, 3 défunts se métamorphosent petit à petit en troll, en femme à la peau verte et en cocon.
Jim Starlin revient chez Marvel, il prend les mêmes et il recommence. C'est le premier constat du fan qui ne peut être que déçu de la solution de facilité choisie : ramener à la vie Thanos, Adam Warlock, Pip et Gamora. Mais bon, tous les lecteurs ne sont pas forcément bloqués comme moi sur les travaux précédents et Starlin déroule une drôle d'histoire. Avec un tel ennemi, il est évident que les superhéros de la Terre ne font pas le poids. Thanos n'est pas le premier maître du monde venu. Il a déjà eu un avant goût de cette omnipotence en mettant une première fois la main sur un cube cosmique, et une deuxième fois en parasitant la gemme de l'âme de Warlock. En plus, c'est un stratège exceptionnel comme il l'a prouvé en récupérant les 6 gemmes en dépit de la volonté de leurs propriétaires. Un seul espoir : le plan indéchiffrable de Warlock, personnage inconnu des superhéros terriens.
Du début jusqu'à la fin, Warlock manipule les interventions des superhéros dans l'ombre. Du début jusqu'à la fin les superhéros vont au casse-pipe sans presqu'aucun espoir. Assaut après assaut, Thor, Namor, Iron Man, Firelord, Wolverine, Scarlet Witch, Drax, Hulk, Cloak, Quasar et Captain America se font massacrer. Et pourtant, Starlin renouvelle chaque combat pour des enjeux toujours plus colossaux, avec des tactiques échevelées. Malgré l'omnipotence de Thanos, Starlin arrive à faire croire au lecteur que les superhéros ont une infime chance de gagner. Il glisse un clin d'œil à Les guerres secrètes avec le rôle de Doctor Doom. Il varie les stratégies et il varie la configuration des attaquants en convoquant les personnages les plus puissants de l'univers Marvel (oui il y a Galactus, mais pas seulement). On reconnaît là tout le savoir faire de Starlin qui réussit une fois encore à montrer la cohérence entre toutes ces entités nées de créateurs différentes dans des séries différentes. En termes de destruction, Starlin ne fait pas les choses à moitié car Thanos ne s'arrête pas à supprimer la moitié des êtres vivants, il a encore d'autres actions de destructions massives en réserve. Thanos est un nihiliste assez primaire : il aime la Mort donc il n'hésite pas à détruire la vie pour offrir à l'élue de son cœur un cadeau somptueux.
Coté illustrations, les dessinateurs suivent tant bien que mal. George Perez dessine trois épisodes et demi, puis quitte le navire. Il déclarera plus tard qu'il n'avait pas réussi à s'investir dans un scénario qu'il trouvait trop mécanique. Cela ne l'empêche pas de réaliser un travail très professionnel avec une mise en page toujours aussi claire quel que soit le nombre de personnages. Perez a une vision vraiment intelligente de la mise en scène des combats et du choix des angles de vue. Tout est lisible, l'impact des coups est ressenti par le lecteur, ainsi que le sentiment d'impuissance et de désespoir grandissant des superhéros. Thanos est massif et majestueux de bout en bout. Warlock est mystérieux et indéchiffrable. Mephisto est ambigu et retors. Les scènes de destruction massive sont très impressionnantes qu'elles soient en sous-entendu (Thor qui survole les flots là où il y avait avant le Japon), ou explicites (Black Widow à bout de forces, témoin du décès d'une femme dans l'effondrement d'un immeuble). À partir de l'épisode 4, Ron Lim vient en renfort et il dessine tout seul les 2 derniers épisodes. Les illustrations perdent en détails et en réalisme (en particulier les visages manquent de finesse), mais elles gagnent en impact visuel brut.
L'équipe de créateurs proposent une fin du monde inéluctable au cours de laquelle les superhéros déploient des trésors de ressource et d'inventivité en pure perte. Tout leur courage ne sert à rien. Mais ce récit laisse un goût étrange dans l'esprit. Arrivé au deuxième épisode, le lecteur chevronné sait pertinemment que le statu quo sera rétabli en fin d'histoire car les bouleversements sont trop importants. Malgré tout la mécanique implacable du scénario empêche de se désintéresser des péripéties. Mais quand même cette structure est vraiment déconcertante, toute l'intrigue repose sur la rouerie de Thanos et sur la variable inconnue que représente Warlock. Il tire les ficelles en coulisse du début jusqu'à la fin sans rien révéler. Il mène la danse, il programme les combats, il joue une partie d'échecs avec plusieurs coups d'avance, contre Thanos. Le lecteur est simple spectateur et déchiffre la stratégie au fur et à mesure. Finalement Warlock écrit l'histoire que lit le lecteur, il est le scénariste. Et c'est là la plus déstabilisante des prises de position de Jim Starlin. Warlock est un deux ex machina du début à la fin, il est la matérialisation du scénariste au sein de l'histoire. Finalement, le vrai nihiliste n'est pas Thanos aveuglé par ses sentiments pour la mort, mais bel et bien Starlin qui n'a aucune illusion sur ce qu'il peut changer dans cet univers partagé, aucune illusion sur l'impermanence de l'impact de son récit. Pour Starlin, ce combat est dénué de toute signification, de tout but, de toute vérité compréhensible ou encore de toutes valeurs ; il n'est vraiment qu'un simple divertissement du moment, une illusion du changement, un frisson gratuit, mais en même temps un hymne à la création. Jim Starlin se joue du lecteur, aussi bien que Warlock se joue de Thanos. Le vrai malaise naît de cette manipulation effectuée au grand jour avec la complicité du lecteur, une prise de position vraiment nihiliste.
Jim Starlin a donné 2 suites à ce récit sous forme de crossovers de plus en plus démesurés : d'abord La guerre de l'infini, puis La croisade de l'infini.