Michel Vaillant en Amérique
Après quatre histoires courtes en doubles-planches dans le journal Tintin en 1957, Jean Graton se lance et crée en 1958 la première aventure longue de Michel Vaillant : le Grand Défi. Que cette série soit née dans un journal au nom de Tintin n’est peut-être pas un hasard, finalement : ce premier album emprunte beaucoup à la naïveté des trois premières aventures dessinées par Hergé vers 1930 (Au Pays des Soviets, Au Congo, En Amérique).
Michel Vaillant peut bien avoir l’allure d’un homme accompli, Jean Graton lui donne la psychologie d’un gamin, catégorie bon élève ou premier de classe. Entre l’obéissance au père Vaillant, les mots gentils pour Maman, et les batailles de polochon avec son frère Jean-Pierre, Michel Vaillant est un enfant sage, un peu lisse même. Sur le même principe que Tintin aura son Capitaine Haddock, Michel a Steve Warson dès le premier épisode : un ami bagarreur, indiscipliné, qui apportera toujours un peu de piquant aux intrigues du pilote. Sans doute l'une des meilleures trouvailles de la saga.
Le scénario est ambitieux, c’est un bon point : Jean Graton va relater pas moins de cinq courses automobiles en une cinquantaine de pages ! Et pas des petites (24 H du Mans, Francorchamps, Indianapolis, et deux Grands Prix). Une intrigue menée tambour battant pour faire rentrer tout cela dans une seule BD, mais au moins, on ne s’ennuie pas. On regrettera la naïveté globale du propos, une ode un peu tiède à l’amitié et au courage qui triomphe de tout (mention spéciale aux parieurs d’Argentine, façon Michel Vaillant contre le grand Capital !).
Côté dessin, le trait est excellent, Jean Graton prend plaisir à détailler avec minutie un univers qu’il adore. Mais l’auteur a les défauts de ses qualités : à force de vouloir donner des précisions sur tout, les vignettes sont souvent envahies de cadres de narration qui mangent le reste de l’image. Le mieux est l’ennemi du bien, les encadrés seront un peu mieux dosés dans les albums suivants.
Tous les éléments de la saga sont là, Jean Graton hésite très peu, on sent le travail de recherche derrière le dessin : malgré tous ses défauts, voilà un bon départ pour Michel Vaillant.