Seigneur... Soyez indulgent pour nous tous, hommes insensés, qui semblons vous lancer, à vous aussi, un grand défi... Nous pêchons par orgueil, par envie du succès... Nous n'hésitons pas à plonger dans l'angoisse ceux qui nous aiment... Et parce que nous sommes faibles, alors que nous nous croyons forts, ayez pitié de nous !




Validé et certifié par Alain Prost !



« Le Grand défi », marque la naissance du plus célèbre des automobilistes de la bande dessinée, « Michel Vaillant ». Un pilote héroïque né de l’imagination fertile de Jean Graton qui trouve son origine en 1957 dans l'hebdomadaire Tintin, au cours d'une histoire de 4 pages, intitulé « bon sang ne peut mentir ». Une proposition qui va finir de convaincre le journal qui va donner son accord pour la mise en place d’un premier tome, « le Grand Défi ». Le top départ d’une licence au succès retentissant qui avec sa formule sportive mécanique va engendrer toute une génération de fans, qui vont idolâtrer cette profession qui enfin se présente au grand jour. Une lignée d’admirateurs dont fait partie le quadruple champion du monde des pilotes Formule 1, Alain Prost, qui enfant à tirer des aventures de Michel Vaillant une passion débordante qui sera à l’origine de sa profession.
« Un jour, Michel Vaillant m’a offert un cadeau inestimable : il m’a ouvert les portes du sport automobile. De ce cadeau, je lui resterai éternellement reconnaissant… Je ne sais pas si un adolescent peut aujourd’hui comprendre ce qu’a représenté Michel pour les gens de ma génération. La télévision retransmettait rarement les Grands Prix, la course automobile était un univers lointain… J’avais douze ans quand Daniel, mon frère aîné, a ramené un album de Michel Vaillant à la maison. Je m’en souviens comme si c’était hier. Par la lecture, je pouvais pénétrer dans ce monde mystérieux et en découvrir les ingrédients : voitures, hommes, circuits, mode de fonctionnement d’une écurie, enjeux, intrigues. »
Un premier album très complet de 64 pages dans lequel on retrouve déjà tout ce qui fera la richesse et l’intelligence de la licence : courses endiablées, voyage dans le globe au cœur des circuits légendaires qu’ils soient fictifs ou réels, fonctionnement d’une écurie, descriptif des différents acteurs s’articulant autour de la profession (ouvriers, mécaniciens, management…), rivalité sportive aussi bien sur le circuit qu’en dehors, conceptions des bolides, la vie quotidienne dans les stands, et enfin un champion de caractère. Une construction narrative astucieuse permettant un vaste champ de découvertes, si bien, qu’un novice dans le domaine peut tout aussi bien s’y retrouver qu’un afficionado. Une bande dessinée qui s’impose comme le témoignage sociologique d'une époque aujourd’hui révolue en concentrant le récit vers la fin des années 1950. Une étude des rapports, des actes et des symboles qui constituent aussi bien dans la forme que le fond l'essence de Michel Vaillant. 


En découle un récit passionnant dans lequel on découvre la famille « Vaillant », à commencer par le héros, « Michel ». Michel Vaillant, malgré son jeune âge, est un pilote de course expérimenté, irréductible et honnête. Loin d'être infaillible, on peut le voir douter et avoir peur devant la dangerosité de sa profession. Il est suivi par son père, Henri, le fondateur de la marque Vaillante, et directeur de son industrie automobile. Un personnage charismatique qui s’impose comme une figure autoritaire bienveillante. Aussi, son frère aîné, Jean-Pierre, architecte technicien mécanique (mais aussi pilote) en charge de l’élaboration des véhicules utilisés pour les compétitions. La relation entre les deux frères est crédible grâce à des petits moments paisibles savamment retransmis. S’ajoutent de personnages secondaires dont deux indispensables au bon fonctionnement des hommes, avec la mère de Michel et Agnès de Chanzy. Deux femmes qui appartiennent à un monde exclusivement masculin, et qui réussissent à se rendre indispensables dans la construction psychologique des hommes. Enfin, le champion américain, Steve Warson, s’impose comme le premier adversaire du héros. Un homme droit dans ses bottes et sûr de lui, qui à aucun moment ne sous-estime le français. La dualité entre les deux pilotes est idéalement incarnée par une relation qui peu à peu va laisser place à un profond respect.



À quoi pensez-vous, pilotes de grands prix, pendant cette minute de silence ?... Au métier exaltant qui est le vôtre ?... À votre vie, que vous n'hésitez pas à offrir en échange d'enseignements qui seront utiles à la sécurité et à l'avenir de l'automobile ?... Ou bien à des amis, victimes de cet impitoyable destin qui n'a pas eu pitié de leur jeunesse !... À ceux qui tomberont demain, ou bien tout simplement à ceux qui peuvent tomber tout à l'heure, dans cette course !



Une famille hors du commun articulée autour d’un cadre qui l’est tout autant. Un environnement constituant l’ingrédient primordial de la série, duquel s’articule une singularité narrative primordiale offrant une transposition efficace entre l’émulation des courses et les moments intimistes. Une conception donnant aux aventures de Michel Vaillant une dimension humaine indispensable. Un rapport dramatique adroit qui synthétise cette première aventure à travers un périple se concentrant autour de la dualité entre les écuries américaines et les écuries européennes. Une confrontation qui débute avec le journal américain "New Indian", qui par le biais d’un article s'élève contre l'attribution du titre de champion du monde décerné à Juan-Manuel Fangio, pour contester la valeur des pilotes européens. Ce à quoi le champion répond, qu’aucun des "cracks" américains ne serait capable de les vaincre sur leur terrain. C'est ainsi qu'une alternative est trouvée en proposant un équipage français composé de Michel et Jean-Pierre Vaillant, en compétition avec un équipage américain composé par Steve Warson et un autre pilote ricain, en un match de 5 épreuves, que voici : Grand prix d'Argentine, Indianapolis, Francorchamps, 24 heures du Mans, et le Nürburgring. Soit 4 épreuves pour voiture de formule 1 et une pour voiture de sport. Aucune somme d'argent en jeu, seulement un titre : « premier pilote mondial ! » 


Un enjeu incarné par deux hommes portant le symbole de toute une nation. Dès la première rencontre à l'aéroport entre Michel et Warson une tension pesante s’impose au lecteur via une forte dualité entre les deux pilotes. En ressortent une multitude de courses avec des moteurs qui rugissent et des pneus qui grincent. Des voitures qui s'élancent dans des courses folles avec un premier parcours à Buenos-Aires, qui plonge le lecteur dans le grand bain des compétitions automobiles. La seconde compétition à Indianapolis, avec son fameux circuit à la forme d'un anneau sur un parcours de 500 miles, assure le spectacle via une conduite plus nerveuse. La troisième épreuve à Foncorchamps, entraîne une résultante tendue pour le héros qui n’a plus le droit à l’erreur s’il veut espérer pouvoir sortir victorieux de son combat contre l’américain. Les 24 H du Mans, sur un long périple d'endurance impose la réalité des enjeux dramatiques, traumatiques et tragiques qui peuvent découler d’une telle compétition. Enfin, le grand Prix d'Allemagne avec le circuit du Nürburgring, surnommé "le circuit au 1000 virages", dresse une tension palpable qui vient offrir une ultime confrontation haletante entre Vaillant et Warson. Une dernière course qui trouve une conclusion à la hauteur de l’attente aussi bien sur le plan dramatique que sportif.


Sur le plan graphique, Jean Graton propose un dessin déjà soigné qui use d'un trait suffisamment crédible pour garantir une efficacité narrative. Une description qui met en scène de manière spectaculaire grâce à la variété des angles de vue l’ardeur des courses. Les traits des personnages sont réussis. L’élaboration graphique des véhicules est délectable via de nombreux vieux modèles comme, la Vanwall 2,5 litres que pilote Warson. S’ajoutent de nombreux spécimens comme la Ferrari 3 litres "Testa Rossa", la Porsche 1500, la Jaguar D, l’Aston Martin, la Maserati, la Dean Van Lines… jusqu’à la Vaillante pilotée par Michel. Seul les décors restent encore discret et mériterait quelques précisions pour certaines cases. La mise en place des vignettes garantit une élaboration qui évite toute uniformité à la lecture. Graton ne lésine pas sur les textes, avec des longs dialogues savamment nourris en informations. À cela s’ajoute une narration voix off importante venant tout du long enrichir le tout. Clairement, on ne prend pas le lecteur pour un idiot. Problème du côté de la colorisation approximative, avec des couleurs trop vives ou foncées dans des bulles presque illisibles, où il faut rapprocher le nez de la page et plisser les yeux pour réussir à lire.



CONCLUSION : 



Michel Vaillant, tome 1 : « Le Grand Défi », du dessinateur Jean Graton, est une formidable initiation savamment documentée envers le monde de la course automobile. Un album d'une richesse débordante offrant un très large spectre sur la profession à travers une aventure enrichissante et généreuse où la compétition, la rivalité, la passion et le danger se côtoient. Une remarquable introduction d'une maturité étonnante qui autant dans le fond que la forme frappe un grand coup. Le début d'un héros d'un nouveau genre : irréprochable en surface, rempli de doutes en profondeur, « Michel Vaillant ».


Je ne suis pas passionné par l'univers de la formule 1, et pourtant, j'ai passé un excellent moment de lecture durant lequel je me suis enflammé tout en apprenant un maximum sur le sujet. Que du bonheur !



Le départ sera donné dans quelques instants... Mais avant, je voudrais m'adresser à vous tous spectateurs, organisateurs, pilotes et mécaniciens... Si cette saison automobile fut une des plus passionnantes, elle fut aussi une des plus meurtrières ! Frappés par un cruel destin, plusieurs de nos grands pilotes ont trouvé sur nos circuits une mort imprévue, brutale, mais combien honorable !... Pour ces hommes courageux, pour ces grands champions qu'ils étaient, mais aussi pour ces bons camarades qui nous ont apporté tant de joies, je réclame, en leur mémoire, une minute de silence !


B_Jérémy
9
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le 18 janv. 2023

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