Après avoir brillamment planté le décor dans le premier opus, Jean Van Hamme enfonce le clou dans ce second volet. Là où de nombreux auteurs auraient tout sacrifié à l'action et à la surenchère ou se serait appuyé sur un thriller financier sûrement trop peu passionnant, le scénariste exploite à merveille son sujet. S'il avait joué, dans le le premier tome, la carte du dépaysement pour présenter Largo tout en exposant l'enjeu de son propos dans les bureaux de la célèbre multinationale, Jean Van Hamme use d'une autre astuce pour ne pas alourdir son récit. Du dépaysement géographique, il passe au dépaysement historique qui lui permet, comme à son habitude, d'enrichir son propos et de nourrir le suspense. Force est, une nouvelle fois, de constater qu'il maîtrise parfaitement son affaire. Alternant avec brio action et émotion, sans oublier une touche de légèreté, le récit se révèle un thriller abouti avec des personnages dont le profil se précise planche après planche.
Le travail de Philippe Francq, quant à lui, s'affine. Les visages, de plus en plus expressifs, gagnent en précision. Le dessinateur confirme sa propension à croquer des femmes sexy, des hommes taillés dans le roc et à mettre en scène des séquences d'action lisibles. Par ailleurs, ses paysages, renforcées par des couleurs éclatantes, sont réellement somptueux. Ils assurent à eux seuls une immersion totale dans la saga. La réussite de ce premier dyptique tient à cette harmonie de ton entre le scénario imaginé par Jean Van Hamme et le dessin de Philippe Francq. À la fois sérieux et décontracté, il pose les bases d'une série élaborée mais accessible où le contexte financier est adouci par des plages d'action.
En deux tomes, la saga est vraiment lancée sur de bons rails. Certains personnages restent à développer, de nombreuses zones d'ombre à éclaircir chez les uns et les autres, et le potentiel du récit est immense. Autant de pistes à explorer autour d'un golden boy à la fois crédible en costard-cravate dans une salle de réunion située au haut d'un building rutilant et en chemise à fleurs dans les criques méditerranéennes à donner du coup de poing. La rigueur et l'efficacité de ce deuxième épisode, au format narratif peut-être trop américanisé au goût de certains, sont un gage de qualité. Le lecteur n'est jamais totalement surpris par un canevas qui emprunte des sentiers balisés mais le divertissement est assumé et assuré. À titre personnel, c'est exactement ce que je recherche par moments et ce Largo Winch en est une excellente incarnation.