Skronyonyo (comme dirait le général japonais), que de progrès ! Cinquième album des aventures de Tintin, et suite directe des Cigares du Pharaon, on peut dire que Le Lotus Bleu achève le reboot de la série initié par Hergé. Après une première trilogie bourrée de défauts et d’invraisemblances, Hergé a affuté sa plume et étoffé son intrigue (et iil a l’esprit un peu plus ouvert qu’il y a cinq ans ...). Le Lotus Bleu est probablement, aujourd’hui encore, l’un des meilleurs Tintins.
Le scénario tient enfin debout : dans la lignée des Cigares du Pharaon, mais en encore plus construit, le Lotus Bleu offre une belle intrigue, purgée cette fois de ses erreurs de jeunesse et de ses raccourcis faciles (ou presque, il en reste deux ou trois, mais on ne va pas pinailler...). C’est un album dense, riche, parcouru de personnages fouillés, et reposant sur un contexte international travaillé.
On pourrait même dire que c’est trop dense, et les retournements finaux pêchent un peu par excès de construction (« j’ai vu que tu avais vu que j’étais caché ! »). Mais Hergé a choisi d’abandonner ses intrigues cousues de fil-blanc pour une véritable histoire sur deux tomes, on ne peut qu’applaudir des deux mains !
La véritable révolution, c’est le mea culpa intellectuel que présente cet album : exit la naïveté politique d’un Hergé qui tape sur les communistes très méchants, ou bien dépeint l’Amérique sans même s’être documenté dix minutes sur le pays. La présentation de la Chine est rigoureuse, réfléchie, et cultivée (alors que les premières pages, sur l’Inde, sont encore un peu naïves). Symboliquement, comme pour marquer la rupture, Hergé introduit la célèbre conversation sur les préjugés entre Tintin et Tchang : une façon de présenter ses excuses au lecteur pour les bévues des albums précédents.
Bref, Tintin a changé, il a mûri, et Hergé avec lui. Un album remarquable, à lire et à faire lire !