Les Guerres de Lucas
8.1
Les Guerres de Lucas

Roman graphique de Renaud Roche et Laurent Hopman (2023)

Si ceux qui comme moi auront vibré en découvrant « Star Wars » dans leur prime jeunesse — et bien sûr par extension les fans les plus récents de la saga — seront sans aucun doute totalement emballés à la lecture de cette bande dessinée, il n’est pas impossible que les plus réfractaires l’apprécient. En effet, c’est d’abord l’ascension extraordinaire d’un homme mû par un imaginaire foisonnant et surtout l’histoire d’un film culte qui est présenté ici. On peut donc être simplement amateur de cinéma pour se plonger dans cette lecture…

Abondamment documenté, l’ouvrage a été mené de main de maître par les deux auteurs, avec une symbiose parfaite entre les partitions graphique et narrative. On y découvre d’abord le personnage de Georges Lucas, cet enfant rebelle dont les rêves étaient « bigger than life ». L’homme, déjà tout gosse, avait une personnalité hors du commun, tête brûlée dans son adolescence et plutôt renfermé, il semblait habité par une volonté de fer pour donner corps à ses rêves…et il lui en aura fallu de la volonté pour franchir les innombrables écueils qu’il subit avant la sortie en salles du film, dans la douleur qui plus est… Même si Lucas avait déjà sa trilogie en tête, c’est le succès inattendu de ce premier opus au box office qui fut le catalyseur de l’impressionnante saga et de ses innombrables spin-offs, très inégaux il faut bien l’avouer, que nous connaissons aujourd’hui.

C’est avec bonheur que l’on avale les 200 pages du livre, qui, en plus d’un personnage à la « vie intérieure bouillonnante », nous dévoile la genèse du tout premier Star Wars. On découvre que la compagne de George, Marcia, aura été d’un énorme soutien dans l’aboutissement de son projet, remanié mille fois avant sa version définitive ! Si les relations furent souvent houleuses avec les producteurs de studios, davantage préoccupés par l’appât du gain, celles avec les cinéastes furent heureusement plus amicales. On y croise ainsi Francis Ford Coppola, Steven Spielberg, l’autre homme qui aura transformé le cinéma dans ces années-là, Irvin Kershner (qui à l’époque n’avait pas encore réalisé « L’Empire contre-attaque »), Martin Scorsese et d’autres. Et puis les acteurs bien sûr, le trio magique composé d’Harrison Ford (recruté par défaut !), Carrie Fisher et Mark Hammill, mais aussi les seconds rôles, notamment l’acteur britannique Alec Guinness qui aura apporté son aura bienveillante au film.

Le tout est passionnant, très complet, et truffé d’anecdotes croustillantes. On se gausse par exemple en apprenant que Han Solo aurait dû porter un col Claudine au lieu de sa fameuse tunique échancrée, si son interprète, par un réflexe salutaire, n’avait pas décidé de l’arracher.

Le dessin de Renaud Roche est d’une efficacité redoutable dans sa simplicité. Il accompagne à merveille la narration extrêmement fluide. On apprend, de façon peu étonnante, qu’il a une expérience dans le storyboard. La mise en page va à l’essentiel et insuffle beaucoup de dynamisme au récit. La particularité graphique de cet album est qu’il n’est ni en noir et blanc ni en couleurs, l’auteur s’étant contenté d’ajouter ça et là des touches de couleurs pour souligner les éléments importants, renforçant encore le punch narratif. A croire que Roche a travaillé au pinceau-laser ! Si « Les Guerres de Lucas » ne représente que sa première bande dessinée en tant que co-auteur, on se dit que le jeune homme, illustrateur formé à l’école des Gobelins, a de l’avenir…

Encore une fois, cette bande dessinée pourra largement captiver un lectorat au-delà des amateurs de la saga Star Wars. Sur une autre grille de lecture, elle montre le parcours admirable d’un homme qui en ayant concrétisé ses rêves par la puissance de sa « force » intérieure (on ne saurait mieux dire, et Lucas était loin d’être un communicant expansif, encore moins vénal !), nous offre une véritable leçon de vie.

On peut dire que les Editions Deman, plutôt spécialisée dans la presse jusqu’à récemment, auront frappé fort avec la – seulement - troisième BD de leur collection. Déjà récompensée de prix divers (France Info, Fnac-France Inter), « Les Guerres de Lucas » ont rencontré également un succès critique et public. Laurent Hopman, à la fois co-fondateur de la société et scénariste de l’ouvrage, semble avoir eu du flair, inspiré peut-être par une force mystérieuse venue d’outre-espace…


LaurentProudhon
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures BD de 2023

Créée

le 4 mai 2024

Critique lue 26 fois

Critique lue 26 fois

D'autres avis sur Les Guerres de Lucas

Les Guerres de Lucas
ChristineDeschamps
10

Critique de Les Guerres de Lucas par Christine Deschamps

Ce qu'il y a de vraiment bien, à Noël, ce sont les BD sous le sapin ! Cette année, j'ai déballé ce gros volume dédié à l'une de mes marottes, celle qui a fait que j'ai voulu, pendant des années,...

le 7 janv. 2024

3 j'aime

Les Guerres de Lucas
ZoltanZidi
8

L'émotion de la lutte

Quelle aventure ! Je travail dans le milieu du cinéma, je me bats pour réaliser mes films. Alors forcément ce récit me touche vraiment. C'est incroyable d’imaginer aujourd’hui connaissant ce qu'est...

le 16 janv. 2024

1 j'aime

Les Guerres de Lucas
CinephageAiguise
9

Quand la Force rencontre la finance

George Lucas, ce n’est pas juste un mec avec une chemise en flanelle et une obsession pour les effets spéciaux. C’est un génie, un rebelle, un visionnaire… et un businessman redoutable. Avec Les...

le 30 janv. 2025

Du même critique

Préférence système
LaurentProudhon
7

Fahrenheit 2.0

Dans une France futuriste, la révolution numérique semble avoir atteint un palier… Les mémoires sont saturées, l’administration doit faire de la place en supprimant les données les moins consultées...

le 26 févr. 2020

16 j'aime

2

Personne n'y comprend rien
LaurentProudhon
10

Les juges et la racaille

Ce documentaire arrive à point nommé pour décortiquer l’affaire du financement lybien de la campagne présidentielle de 2007 en France. Alors que les auditions viennent de démarrer pour Nicolas...

le 16 janv. 2025

8 j'aime

1

Le Dieu vagabond
LaurentProudhon
9

Le vin divin du devin

Avec cette nouvelle publication des éditions Sarbacane, préparez-vous à en prendre plein les mirettes ! De très belle facture avec dos toilé et vernis sélectif (ce qui n’est pas surprenant quand on...

le 26 déc. 2019

8 j'aime