Les Hommes - Magasin général, tome 3 par Eric17
« Les hommes » est le troisième tome de la série de bandes dessinées « Magasin général ». Il est édité chez Casterman depuis deux mille sept. D'un format classique, cet album est composé de presque quatre-vingts pages. Cet ouvrage est l'œuvre conjointe de Régis Loisel et de Jean-Louis Tripp qui se partagent les dessins et le scénario. La couverture est en adéquation avec le titre en nous présentant un groupe d'hommes sortant d'une forêt enneigée et arrivant dans un village qu'on suppose être celui qu'on connait depuis les deux premiers opus de la série. Ce bouquin est vendu à un prix proche d'environ quinze euros.
La quatrième de couverture nous présente l'extrait suivant : « Dans un panier, 'y a des pommes... Des belles pommes toute rouges... Pis un beau jour, un verre tombe dans le panier... Le ver attaque la plus belle des pommes, il commence à la gruger... Il rentre dedans, il gruge, il gruge... A un moment donné, le ver a fait son chemin jusqu'au cœur de la pomme... Pis la pomme commence à s'gâter... Ca fait qu'c'est là qu'on est rendu : à c't heure, la pomme est pourrite ! ... Pis dans pas longtemps, c'est tout le panier qui va l'être... »
Cet extrait du bouquin résume assez bien son atmosphère. L'album précédent avait été marqué par l'arrivée de Serge dans la petite paroisse de Notre-Dame-des-Lacs. Ce petit village québécois, était abandonné par ses hommes durant l'hiver. Les femmes, les anciens et les enfants avaient l'habitude de mener leur train-train durant cette période tous les ans. Mais la venue de cet étranger avait révolutionné le quotidien. Il avait monté un restaurant, il organisait des courses de luge, il aidait à tuer le cochon... Bref, il amenait un rayon de soleil dans ce lieu isolé et en cette saison difficile. Dans ce troisième tome, les hommes sont de retour et n'apprécient que moyennement les modifications nées de la présence de cet étranger. Les tensions apparaissent, les conflits naissent. Et si Serge était le fameux ver qui s'est attaqué à la plus belle des pommes ?
Alors que le tome précédent baignait dans une béatitude agréable. Les gens s'aimaient, s'appréciaient, apprenaient à se découvrir. Beaucoup de moments étaient touchants ou drôles. « Les hommes » sont à l'opposé au niveau de l'atmosphère. Comment après le plus beau rêve, le réveil est parfois difficile. Le retour à la réalité n'est pas toujours simple et heureux. Le retour des hommes marque l'apparition de la zizanie dans toutes ses formes. Il y a des disputes, des cris, des manipulations, de la violence... La jalousie génère tous les excès. Cela offre une lecture finalement assez noire. On ressent des sentiments désagréables. On attend avec impatience que tout ce beau monde décide de s'entendre. Mais cela n'arrive pas si vite que cela... Au final, les auteurs arrivent à générer une atmosphère envoutante et prenante. Sans excès et avec subtilité, ils arrivent à nous captiver pour cette lecture...
Au-delà de l'ambiance qui accompagne l'histoire, le plaisir de la lecture réside également dans la richesse de leurs personnages et des rapports qu'ils entretiennent entre eux. Le fait que « Les hommes » soit le troisième opus de la série fait qu'on commence à se sentir familier avec les différents habitants du village. On ressent de l'empathie à leur encontre. On souhaite leur bonheur de tout cœur. Cela explique en partie l'intensité avec laquelle on vit les tensions qui y naissent. Les auteurs arrivent à faire vivre cette communauté qui vit en refermée sur elle-même avec un vrai talent. On ne quitte jamais Notre-Dame-des-Lacs. On suit des gens dans leur quotidien. Et pourtant, on se passionne pour le moindre de leur geste ou la moindre de leur parole. Il va sans dire que la relation entre la douce Marie et le dévoué Serge ne laissera pas indifférent les lecteurs sensibles qui la découvriront...
Comme dans les albums précédents, l'atmosphère passe énormément par les dessins. L'association de Tripp et Loisel offre un résultat remarquable à la dimension artistique certaine. Que ce soit les personnages, les décors ou les couleurs tout est subtilement dosé. On est complètement conquis par la lecture, on se transpose aisément dans les rues de ce village au beau milieu de ses personnages au réalisme certain. On n'a aucun mal à se mettre à table avec eux, à partager leurs discussions. On est touché quand ils sont tristes, on souffre de leurs disputes, on partage leurs moments de joie. Et toute cette empathie nait de la qualité des dessins agréables dès le premier regard.
En conclusion, « Les hommes » est un vrai bon moment de lecture. Bien qu'il s'insère parfaitement dans la série à laquelle il appartient, il se démarque des précédents opus. Son atmosphère est plus lourde et par conséquent plus intense. L'histoire est prenante et l'ouvrage se dévore d'une traite. J'ai hâte de me plonger dans le prochain opus intitulé « Confessions ». La constance dans la qualité des trois premiers tomes me fait espérer que « Magasin général » soit amené à être une série de grande qualité. Mais cela est une autre histoire...
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