Ah, Jérémie Moreau, ce magicien du crayon qui ne se contente pas de raconter des histoires, mais les fait respirer. Avec Les Pizzlys, il nous embarque dans une fable moderne où un chauffeur de VTC parisien se retrouve propulsé dans l’immensité de l’Alaska. Rien que ça.
Et là, boum : contraste maximal. Paris et son asphalte stressé d’un côté, la nature déchaînée de l’autre. On passe d’une application GPS à un ours polaire mutant – pardon, un pizzly (oui, ce doux mélange entre un grizzly et un ours polaire, merci le réchauffement climatique). Moreau ne se contente pas de nous livrer un road-trip contemplatif, il nous fait glisser doucement du réel au mythe, comme si la banquise fondait sous nos pieds sans qu’on s’en rende compte.
Les couleurs explosent, les traits dansent, et cette mise en page… On a parfois l’impression de traverser un rêve éveillé sous acide, mais un rêve instructif, un peu comme si David Lynch s’était mis au documentaire animalier. La beauté côtoie le chaos, et l'humain patauge avec toute sa maladresse face à un monde qui ne l’a pas attendu pour exister.
Bien sûr, Moreau a son petit côté prophète écologique, mais au lieu de nous asséner une morale à coups de pancartes, il nous laisse dériver, réfléchir et nous perdre dans la nature comme son personnage principal. C'est un récit d'initiation qui réchauffe et qui glace, qui nous fait sourire et qui inquiète. Un récit hybride, à l’image de son titre, entre mutation et adaptation, entre effondrement et espoir.
Bref, Les Pizzlys, c’est une gifle douce et sauvage, un mélange parfait entre une fresque graphique hypnotisante et un conte moderne qui nous rappelle qu’on n’a peut-être pas encore tout compris à ce monde qui change.