Avec ce titre Akata fait un nouveau pari. L’agriculture se retrouve déjà dans des séries comme Silver Spoon, Moi, jardinier citadin ou encore l’excellent Les fils de la terre aussi Les pommes miracle s’insère dans une thématique déjà abordée. Outre sa dimension biographique ce one-shot nous apprend, au détour des pages, nombre d’éléments sur Siebold (une figure connue au Japon et en Europe), les pratiques japonaises, la signification de telle expression… Surtout, avec l’histoire de Akinori c’est l’histoire agricole japonaise des années 1960 et au-delà qui s’offre à nous.
Tandis que le « retard » agricole diminue progressivement (l’acquisition du tracteur anglais par Akinori symbolisant ce rattrapage), que l’exploitation tourne bien, Akinori - le héros de la série - tombe sur un ouvrage qui va changer sa vie. Il va se détourner de l’agriculture productiviste, des insecticides, de tous ces produits chimiques qu’on diffuse dans l’air et les sols. Ici deux éléments complémentaires donnent toute sa force au récit.
D’abord la transition vers une agriculture n’utilisant aucun produit de synthèse comme pesticides sera longue et douloureuse. Si Akinori lit Masanobu Fukuoka (connu pour ses 4 principes de l’agriculture naturelle par exemple) ses problèmes ne sont pas résolus en un clin d’oeil. Il lui faudra attendre plusieurs années pour réussir à cultiver ses pommes comme il l’entend. S’il économise de l’argent en n’achetant plus de produits chimiques la situation demeure toutefois précaire et difficile pour sa famille, obligée de manger chichement, de vivre dans la pauvreté. Plusieurs fois notre agriculteur aura envie de renoncer, d’écouter les voix qui remettent en question son projet fou. Les liens familiaux et amicaux lui donneront l’impulsion nécessaire pour continuer, que ce soit par des paroles ou de l’argent.
Ensuite, pour cultiver sans pesticide le personnage principal va devoir comprendre la vie du sol, les cycles des saisons, le rôle des bactéries… Akinori va se creuser les méninges pour comprendre comment la nature fonctionne : il va construire un cadre expérimental, mener différentes expériences. Une démarche qui rappelle celle de Ronald Fisher dans le premier tiers du XXème siècle. Avec son esprit inventif et bricoleur, qu’il mettait déjà à l’épreuve dans ses jeunes années, Akinori montre qu’on ne s’improvise pas agriculteur : il faut un bon esprit scientifique et de l’acharnement pour comprendre comment faire et réussir.
Les pommes miracle, malgré un graphisme pas toujours séduisant, offrent ainsi un condensé de tout le travail à accomplir pour cultiver autrement. Il faut endurer des épreuves (pauvreté, regard des autres, tentative de suicide) et attendre pour que cela marche. Loin d’une logique de profit Akinori n’hésitera pas à diffuser ses « recettes » gratuitement. Son rêve, ce qu’il voulait par-dessus tout, c’est que le plus grand nombre de personnes puissent savourer de telles pommes.
Au-delà d’une simple ode à la terre ce manga développe nombre de thèmes actuels (l’esthétique des produits, notre rapport à la nature, à ce que nous mangeons et son origine…) qui en font un titre qui, je l’espère, donnera envie de manger des pommes (bios) et trouvera son public.