Trop souvent je me suis plaint de BDs qui se contentaient d'ébauches en guise de dessins.
Les Rigoles est la démonstration que le 9ème art mérite son nom.
Quand les graphismes sont ambitieux et que la narration se met au diapason, il en ressort des oeuvres époustouflantes.
De quels graphismes parlons-nous ici ?
Brecht Evens met en exergue les couleurs (la couverture est un assez bon résumé) et la transparence.
Ainsi les personnages et décors s'illuminent comme le feraient les guirlandes d'un bal guinguette.
Mais le dessinateur va plus loin. Pour représenter les personnages, l'aquarelle permet d'exprimer des nuances de couleurs - plus ou moins opaques - qui reflètent leur état de vie.
Ainsi un jaune vif s'estompant à l'orange à peine visible pourra être synonyme d'une joie de vivre qui disparait.
Nous sommes donc plus dans une expérience qu'une photo en tant que telle.
Les dialogues flottants dans des pages où les cases sont détourées participent à cette perception.
Les oeuvres oscillent donc entre pointillisme et symbolisme.
L'auteur va également à l'encontre d'un mouvement largement répandu en Bande dessinée : il se concentre sur le dessin plutôt que d'adopter l'angle de vue d'une caméra.
Et ne se prive pas d'alterner pages avec ou sans texte.
Finalement l'histoire de l'anti héros est accessoire. Elle ne fait que participer à mettre en scène des personnages et des tranches de vie, avec empathie et subtilité.
Une réussite qui valait bien le Prix spécial du Jury d'Angoulème 2019.