Kei Sanbe me passionne énormément. Erased était un des premiers mangas que j'ai lu et fut un choc très intense de mon adolescence.
J'ai commencé à lire ce qui était paru de lui en France avec Echoes qui propose de bonnes idées dans l'histoire et les relations entre les personnages. Toutefois, il m'a déçu dans sa manière de raconter l'histoire, la mise en scène et la gestion de son mystère.
En effet, Sanbe ne sait pas construire un mystère et je peux même le reprocher à Erased.
Cependant, c'est par ici que je voudrais commencer à expliquer pourquoi j'ai adoré l'île de Hôzuki : la gestion de son mystère. Quand je dis que Sanbe ne sait pas gérer le mystère, c'est qu'il en dit toujours trop avant la révélation.
Par exemple, le prof dans Erased qui met beaucoup de temps à appeler les services sociaux pour Kayo ou encore sa voiture remplie de bonbons. Et dans Echoes, le nombre de révélations manquées est encore plus nombreux (le coup du flic qui s'avère être l'antagoniste final est repérable à 100 km, Sanbe nous montrant ses rires narquois après la discussion avec le héros).
Pourtant, ce défaut, d'en dire énormément ici est pertinent. Il y a tellement de points de vue sur la situation que certes chacun nous dit ce qu'il a vu, et donc on peut identifier plusieurs menaces, mais le but étant de savoir qui a raison.
En effet, les adultes sont présentés comme des menteurs et les enfants comme des personnes qui peuvent facilement déformer la réalité, il devient très vite difficile de deviner qui a raison.
Alors peut-on trouver la résolution du mystère ultra décevante, car dire que tout cela est juste un immense malentendu et que depuis le début personne n'est mort peut-être frustrant, mais c'est pour moi une très bonne idée puisque ces enfants auraient pu totalement basculer dans quelque chose d'encore plus horrible que leurs traumatismes.
Ce point là me permet d'aborder un autre excellent point, c'est le nouveau prisme de la thématique de l'enfant traumatisé. Kayo dans Erased et Senri dans Echoes. Tout le but de Sanbe est de parler de comment les traumatismes de l'enfance marquent et perturbent la vie des adultes qu'ils sont sur le point de devenir ou sont devenus (Satoru dans Erased), tout en montrant comment ces personnes vont surpasser cela afin de construire une nouvelle période de leurs vies.
Le renouveau que j'aperçois ici, c'est comment les traumatismes des enfants peuvent amener des enfants à sombrer encore plus dans l'horreur et devenir des personnes qu'ils ont juré de ne pas devenir. En bref, on tient peut-être son manga le mieux écrit de sa carrière ! Qu'en est-il du reste ?
Eh bien, si le découpage des mangas de Sanbe est toujours aussi basique (sauf dans Erased où il y a véritablement des fulgurances), sa mise en scène est très glauque et oppressante.
Déjà, son dessin est comme toujours assez simple et enfantin. Cependant, il tranche avec des planches particulièrement noires et assez agressives dans le trait ce qui donne un décalage vraiment bon et oppressant. Il y a aussi quelque chose de très osé et de très perturbant, c'est sa manière de dessiner les formes des personnages féminins de manière très sexualisée, mais absolument pas dans le but de provoquer une pauvre excitation (sinon, si c'est le cas, vous êtes des zinzins).
Alors c'est vrai que beaucoup de gens trouvent l'anatomie des personnages féminins chez Sanbe très prépondérante, mais ça ne m'a pas marqué ou choqué.
Ce choix pour moi sert surtout à accentuer la menace qu'un certain personnage représente, car ces moments-là de "sexualisation" ne se réalisent uniquement que sous le regard d'un personnage pédophile. Et j'ai envie de dire que pour un auteur qui parle en majorité de tueur d'enfant dans quasi toutes ces œuvres, il était temps (bizarre comme formulation non ?) de mettre en évidence ce genre de personnage. Ainsi, j'aime beaucoup que la mise en scène s'adapte sous le regard de ce personnage qui donne un rendu d'autant plus malsain et que je n'hésite pas à classer de radical.
J'ai peut-être deux points qui gênent, mais qui ne sont pas très importants.
Tout d'abord, l'idée de faire de l'île de Hôzuki un labyrinthe sympa, mais du coup de mettre des plans et la position des personnages tous les 2 chapitres... Bof.
De plus, dans le traitement du surnaturel chez Sanbe, il est plus sujet d'un moyen pratique pour ces histoires. Ici, le surnaturel raconte quelque chose de bienvenu sur les personnages des enfants, pourtant dans sa dernière scène, il revient du style : "ba enfaiteuh, si c vraimant du surnaturrel ?". Un dernier choix assez discutable.
Bref, c'est son œuvre la mieux écrite, la plus radicale, la plus glauque, et peut-être avec Erased, son œuvre la plus intéressante. Ça reste imparfait sur des points, mais c'est l'auteur qui n'est pas trop évoqué dans les bons auteurs du moment du coup, j'ai très envie de le défendre malgré ses imperfections.