Ce tome comprend les 5 épisodes de la minisérie du même nom parue en 2010/2011. L'histoire est complète et indépendante de la continuité de ce personnage.


John Constantine est accoudé à son comptoir préféré, il est encore plus grincheux que d'habitude. Il sort pour fumer une clope parce qu'en Angleterre aussi les arguments sanitaires ont prévalu et qu'il n'est plus possible de fumer dans les lieux publics. Sur le trottoir, 2 jeunes dealers utilisent la cabine téléphonique pour conclure leurs trafics. Ils s'en prennent à Constantine qui ne se laisse pas vraiment faire. Après leur avoir cloué le bec, il se fait bêtement renverser par un 4*4 en traversant sans regarder. Il finit aux urgences en soins intensifs. Pendant ce temps là il assiste à tout (y compris les opérations) depuis son corps astral qui a pris son autonomie par rapport à son corps physique. Il va papoter dehors avec d'autres esprits désincarnés de patients plus ou moins proches de la mort. La convalescence est longue et seule la jolie infirmière la rend supportable. Mais pendant son séjour à l'hôpital, et même après, John Constantine est la proie d'atroces migraines. Dans le même temps, Londres est le théâtre de crimes atroces perpétrés par des gens qui n'ont pas conscience de ce qu'ils font. Quel est le lien ? Comment enrayer cette épidémie de démence criminelle ?


Je ne connaissais pas ce scénariste (Si Spencer, également auteur de la série The Vinyl Underground en anglais) avant cette histoire. Il a une bonne maîtrise du personnage John Constantine qui est tout à fait le magicien occulte issu de la classe ouvrière tel que l'avait imaginé Alan Moore. Sean Murphy (il est également l'illustrateur de Joe the Barbarian de Grant Morrison, en anglais) a d'ailleurs soigné son apparence, puisqu'en plus de l'imperméable traditionnel, il le dote d'un portefeuille glissé dans la poche arrière de son pantalon et retenu par une chaîne à sa ceinture. Pour une raison inconnue, il a également décidé de l'affubler d'un nez très pointu (un tic stylistique pas si gênant que ça une fois qu'on s'y est habitué). Constantine enchaîne clope sur clope et les sarcasmes tombent régulièrement. Il ne se dépare pas de son cynisme, sans être nihiliste pour autant. Son langage corporel rend compte de sa fatigue et il prend ses aises régulièrement. L'étrange façon de dessiner son visage (un peu schématique parfois) lui confère à la fois un air mystérieux et impénétrable, et juste ce qu'il faut de dureté.


Les histoires de Constantine se déroulent généralement dans une Angleterre en proie aux problèmes de société avec une bonne dose d'anglicismes. Là aussi, le lecteur est en territoire familier et Constantine joue à domicile de la bière vespérale au pub du coin, au paquet de Silk Cut, en passant par les voitures de police anglaise, la station de métro d'Oxford Circus, l'uniforme des policiers, le matériel de pré-collecte pour le recyclage, un second rôle tenu par une jeune pakistanaise musulmane, etc. Le lecteur perçoit qu'il s'agit du quotidien de Si Spencer et de Sean Murphy (l'illustrateur), qu'ils n'ont pas à se forcer pour décrire le quotidien londonien. Murphy utilise un style proche du photoréalisme avec un encrage qui accentue légèrement quelques angles, quelques ombrages et qui simplifie quelques éléments (le double-decker par exemple). Il interprète légèrement la réalité pour lui donner une saveur un peu plus âpre, plus rugueuse, sans en faire de trop. Cet aspect un peu décalé instille chez le lecteur un sentiment diffus de méfiance qui renforce les composantes surnaturelles du scénario et la légère paranoïa de Constantine.


Et justement pour aboutir à une véritable histoire d'Hellblazer, il faut rajouter une dose de surnaturel et une bonne rasade d'horreur. Spencer et Murphy en servent une bonne portion au lecteur en revenant aux racines de la série telle qu'écrite par Jamie Delano (à commencer par Péchés originels). Ils exagèrent habilement les petites névroses quotidiennes de tout à chacun pour les faire déboucher sur des crimes horrifiques. On peut citer la culpabilité de produire toujours plus de déchets, la hantise du repas familial avec les beaux parents, l'angoisse de se faire agresser par un clodo déchaîné, le risque dément que son bus soit pris en otage par un fou furieux, etc. Murphy ne recule pas devant le dessin explicite de plusieurs horreurs et certaines pages sont à déconseiller aux âmes sensibles.


Malgré tous ces bons cotés, c'est vrai que j'ai trouvé qu'il manquait un petit quelque chose à cette histoire pour obtenir une place spéciale dans le panthéon des horreurs affrontées par John Constantine. Du début à la fin, il apparaît comme un tout petit peu trop distant. Le choix d'indiquer au lecteur dès le début le fin mot de l'histoire désamorce également tout suspense. À la fois, Spencer et Murphy présentent des idées et des situations prenantes (la scène finale avec les sex-toys mérite également d'être citée), et à la fois il s'en faut de très peu pour que les enjeux et les horreurs n'arrivent à complètement impliquer le lecteur. Du coup je ne mets que 4 étoiles à cette histoire par comparaison avec les plus réussies du personnage.

Presence
8
Écrit par

Créée

le 16 mars 2020

Critique lue 90 fois

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