Ce tome regroupe les 5 épisodes de la minisérie du même nom. Il fait suite à Projet Overkill qu'il vaut mieux avoir lu avant.
Dans le premier tome, Zack Overvkill avait retourné sa veste et tout déballé à des agents fédéraux travaillant pour une organisation secrète appelée Special Operation Service (S.O.S.). Il avait été placé dans un programme de protection des témoins. À la fin de ce premier tome, un avenir incertain s'ouvrait devant lui. Au début de ce deuxième tome, Zack Overkill a été enrôlé par SOS et il participe à des missions de nettoyage d'activité de supercriminels. Cette nouvelle vie pourrait lui convenir si ses patrons n'avaient pas en plus exigé qu'il mène une vie normale sous une identité secrète, qu'il suive des séances de psychothérapie et qu'il se prête à des expériences scientifiques pour déterminer la source de ses pouvoirs. Il couche avec la supérieure de son supérieur hiérarchique direct. Un individu inconnu a repris les armes et l'identité de Lazarus. Et SOS l'envoie accomplir une mission d'infiltration dans le milieu des supercriminels pour essayer de récupérer un agent double de SOS qui semble s'être retourné et travailler pour de bon pour le mauvais coté. Tout ça avant la fin du premier épisode.
Le premier tome m'avait laissé un sentiment d'insatisfaction d'une fin trop ouverte et de décalques un peu trop proche des modèles des genres utilisés par Ed Brubaker. Ce scénariste a souhaité concocté un mélange de superhéros, de pulps et de polar. Dans cette nouvelle histoire, les 2 premières composantes sont toujours présentes, et le polar a été remplacé par une forme d'espionnage.
Coté superhéros, le principe original reste le même : la terre sur laquelle se déroule les aventures de Zack Overkill compte quelques êtres disposant de superpouvoirs et ce phénomène existe depuis une centaine d'années. Ces individus sont en nombre limités et soit ils sont employés par le gouvernement pour le maintien de l'ordre, soit ils se livrent à des activités criminelles.
Coté pulp, Ed Brubaker connaît bien son affaire et les codes de ce genre s'affichent sans complexe et avec un savoir faire goutu. Le lecteur verra passer avec plaisir un savant fou, la fille d'un supersavant dont les valeurs rappellent celles de Doc Savage, un repaire souterrain de criminels absolument enchanteur, des organisations secrètes et maléfiques, une opposition bien tranchée entre le bien et le mal avec des surhommes qui sont soit des méchants, soit des bons.
Coté espionnage, Ed Brubaker reprend un thème qu'il avait déjà développé dans la série Sleeper (à commencer par A bout portant). Tout l'intérêt de cette histoire réside dans le fait que Brubaker s'attache aux personnages qui naviguent entre le bien et le mal, sans vraiment choisir un parti ou l'autre. Au bout de quelques pages, le lecteur ressent une forte empathie pour Zack qui ne sait plus très bien ce qu'il veut, qui n'appartient plus au monde des criminels, mais qui ne se sent pas l'âme d'un gentil. Cette absence de repère fait qu'il n'hésite à frapper fort, à estropier et à tuer, à utiliser les services de prostituées, etc. Brubaker maîtrise les codes du roman noir et Zack Overkill n'est as un enfant de choeur. L'action, la violence et l'amoralité imprègnent chaque page du récit.
La série est toujours illustrée par Sean Phillips et mise en couleur par Val Staples. Le style de Phillips a légèrement évolué. Il utilise toujours une mise en page assez sage : que des cases rectangulaires juxtaposées. Chaque dessin est fortement encré, avec une large place pour les zones d'ombres, afin de créer une ambiance assez noire, crépusculaire. Il semble aussi qu'il ait fait un effort conscient pour simplifier ses traits et tendre vers des images plus iconiques. Cette démarche ne s'accompagne pas d'une perte de détails dans les illustrations. La densité d'informations visuelles permet de se plonger dans ces décors étranges et légèrement fantasmés à base de superscience teintée de rétro-futurisme. Le lecteur pourra juste regretter que Phillips cède un peu plus souvent que d'habitude à la tentation de se passer de décor dans certaines cases. La simplification se traduit par un aspect plus rugueux, plus brut de décoffrage des illustrations, moins fini, moins poli. D'un coté, cet aspect participe à l'ambiance noire et brutale, de l'autre les images perdent en séduction. De même, certains partis pris de mise en couleurs font parfois mal aux yeux (je pense en particulier au recours un peu trop systématiques aux teintes roses et violettes). Mais ce défaut reste cantonné à quelques scènes, les autres étant rehaussées par cette mise en couleurs pleine de personnalité.
J'ai trouvé ce tome nettement meilleur que le premier. Brubaker est plus à l'aise avec ses personnages, l'intrigue est plus tendue, plus dense (avec une part non négligeable dédiée à la continuité) et le manque d'empathie de Zack Overkill en fait un personnage complexe et plein de contradictions, dans un environnement partitionné entre le bien et le mal qui n'a pas de place pour ce genre d'individus. La fin est bien nette et conclut clairement l'histoire, même si le dernier épisode contient déjà les prémisses d'une suite.