Mémoire morte par Nathayla
Marc Antoine Mathieu aime développer des univers absurdes, presque kafkaïens.
Il aime également explorer l'art BDesque, le triturer, s'amuser avec ses limites pour créer un genre nouveau.
L'excellente série "Julius Corentin Acquefacques" montrait déjà sa propension à jouer avec les codes, de la société comme de l'art.
En 5 tomes, il avait créé un univers consistant et distrayant, complété de mises en abîme.
Mémoire morte, sortie un an après la série, se passe à nouveau dans un univers urbain un peu fou, où la ville s'étend sans discontinuer sans que l'on ne sache plus s'il elle possède réellement des limites.
Son administration archaïque doit faire face à une forme de protestation silencieuse et incontrôlable : exploitant une incongruité législative, des anonymes construisent chaque nuit des murs séparant les quartiers pourtant si bien ordonnés. Pendant que l'on investigue et que les murs poussent toujours plus nombreux, la ville semble frappée d'amnésie galopante. Plus on construit de murs, plus on perd la mémoire...
La métaphore informatique de cette BD n'échappe à personne et on pourra y trouver moult sources de réflexion sur nos sociétés modernes où le virtuel prend le pas sur le réel et où il devient plus facile de communiquer avec ses voisins par les réseaux plutôt que de visu. On pourra apprécier le style si particulier de M.A. Mathieu, ces clairs-obscurs puissants, ces trais forts, ce noir devenu matière. On pourra se délecter de l'absurde de la situation.
Mais en ce qui me concerne, je me suis plutôt ennuyée à la lecture de cet ouvrage que j'ai trouvé trop superficiel.
Le sujet aurait gagné à être traité en profondeur, en évitant par exemple la trop évidente rencontre entre le "héros" et l"unité centrale qui régule la ville.
Marc-Antoine Mathieu n'a fait ici qu'esquisser la peinture d'une société où la communication est dévoyée alors qu'il aurait pu la développer d'avantage.
Comme s'il avait cédé à la facilité.