Ça commence avec une histoire de dingue, comme Monsieur Toussaint Louverture adore nous en servir. À l'âge de 40 ans, Emil Ferris s'est retrouvée presque entièrement paralysée, sans pouvoir marcher ni tenir un crayon. En fait, elle s'est battue, elle s'est inscrite au Chicago Art Institute, elle en est sortie diplômée, et elle s'est lancée dans la rédaction de cette petite montagne de 800 pages que vous aurez (j'espère) bientôt dans les mains. Ensuite, il y a eu une flopée de refus du manuscrit, des soucis à la chaîne pour l'impression ; et enfin l'an dernier, le succès immédiat après la parution américaine.
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres est aussi une histoire de dingues. Et de monstres. Difficile parfois de distinguer les deux. Au centre, il y a Karen, une jeune fille à tête de loup-garou, qui se passionne pour les magazine d'horreur et les créatures fantastiques qui les peuplent. Elle vit avec sa mère, gentille et terriblement superstitieuse, et son frère Deeze, un charmant voyou aux tatouages extravagants. Avec son imper de privé trop grand pour elle, Karen enquête sur le suicide d'Anka Silverberg, sa belle et fascinante voisine. Alors le présent de Karen et ses monstres de foire se trouve mêlé avec le passé d'Anka plein de monstres bien réels, de ceux qui enlèvent des familles et les entassent dans des trains.
Les hachures de bic d'Emil Ferris, à la fois exigeantes et chaleureuses, dépeignent un monde fantasmagorique, à cheval entre les genres, entre le poids de l'histoire et le rêve éveillé, un monde baroque et bariolé où chacun à la pouvoir de devenir ce qu'il veut. Mais son grand talent est de nous embarquer si puissamment dans une oeuvre si vaste et si folle, si riche et si personnelle à la fois. Et malgré la taille imposante de ce premier tome, on en sort moins rassasié que dévoré par une soif de vampire qui réclame encore plus.

Florentin
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le 9 août 2018

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