Mises en abyme
La qualification de "roman graphique" n'a jamais été aussi adaptée. En effet, la narration associe, comme dans un roman, de nombreux thèmes et plusieurs histoires qui se superposent, dans une...
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le 30 août 2018
43 j'aime
"Moi, ce que j'aime, c'est les monstres" est -pour moi- à tout niveau... une oeuvre à part.
A part, car je ne lui vois pas d'équivalent.. pas d'autre BD à laquelle la comparer (sauf sur un critère précis unique : dessin, épaisseur du volume,..etc...). Une sorte d'extra-terrestre (ou de monstre !) dans le paysage de la bande dessinée.
A part aussi, de par la difficulté que j'ai eu à arrêter un avis très clair sur ce que je pense de cette oeuvre.
Bref... Désolé pour cette intro bien floue... je vais essayer d'être plus clair.
Pour commencer, je dirai que rien au départ ne me prédisposait à aimer particulièrement ce livre.
L'ayant feuilleté plusieurs fois chez les librairies, je n'accrochais pas spécialement au style du dessin ni à cette impression d'avoir plus affaire à un "roman graphique" qu'à une BD : Des pages souvent sans cases où la page elle-même devient une case, mélange de dessins dans tous les sens et de textes qui se baladent un peu partout et dans tous les sens.
J'aime qu'une BD reste une BD... qui me raconte une histoire et je me méfies un peu ces dernières années lorsque qu'elle devient presque plus une "oeuvre d'art" picturale... un recueil de pages comme autant de "tableaux" et de prétextes à toutes les expérimentations.
Je me méfies des oeuvres qui cherchent l'originalité juste pour l'originalité.
J'ai fini néanmoins par l'acheter, suite aux nombreuses critiques élogieuses que je croisais partout.. dont celle de guyness qui a fini par me convaincre.
Mais là encore... ma première impression était mitigée. J'étais un peu déçu de découvrir après quelques pages qu'il s'agissait d'un "journal", récit de l'enfance de l'auteur, même si ce récit est en partie fantasmé. Ce n'est pas forcément le type de récit que je préfère.
Mais voilà... Une fois passé ces premières craintes, j'ai vite été plongé dans ce livre et je ne peux que lui reconnaitre des qualités très fortes.
La grande force de "Moi, ce que j'aime, c'est les monstres" est d'abord -pour moi- qu'il s'agit d'une oeuvre éminemment personnelle.
Personnelle car le sujet, le propos n'appartiennent qu'à Emil Ferris -son auteur- et qu'à elle. Personne d'autre n'aurait pu raconter ça. Personne d'autre n'aurait pu vivre ça.
Bien sur, on sait bien qu'une partie est fantasmée et on ne sait d'ailleurs jamais avec certitude ce qui est inventé de ce qui a été vécu... mais on sent aussi très bien qu'une grande partie de tout ça nous parle d'Emil Ferris tout autant que de Karen Reyes (le personnage principal). Tout est trop "fort", trop vrai, pour ne pas être l'univers de l'auteur.
Personnelle car le ton colle parfaitement au propos. La plupart des phrases, parfois avec des tournures ou un vocabulaire simple, semblent avoir été écrites par cette petite fille même dont on suit le récit. Ce vocabulaire concourt là aussi à brouiller les pistes entre ces deux identités Karen Reyes=Emil Ferris.
Personnelle enfin, car le dessin, lui aussi, colle parfaitement au sujet et au propos. Il peut être inégal et j'ai parfois trouvé certaines pages un peu bâclées autant que j'en ai trouvé d'autres magnifiques. Mais au final c'est très secondaire en rapport à la force que dégage ce dessin au stylo-bille. C'est aussi ce style, comme tracé dans l'urgence, qui donne ce côté si personnel et si touchant à cette histoire.
"Touchant"... c'est le deuxième qualificatif qui me vient lorsque je pense à "Moi, ce que j'aime, c'est les monstres". Touchant... Karen Reyes, sa famille, son quartier, comme tous ces "monstres" que l'on croise et qu'Emil Ferris nous dépeint avec un regard plein d'humanité.
Si je cherche vraiment des comparaisons, je dirai que j'ai parfois pensé à Crumb, pour le dessin mais aussi pour le côté cru, sans concessions de certains portraits. J'ai aussi pensé à Will Eisner pour ce portrait de quartiers américains et de leurs habitants avec un regard réaliste tout autant qu' humain (on sent que ces auteurs connaissent et aiment ces quartiers dont ils nous parlent).
Quoi qu'il en soit, "Moi, ce que j'aime, c'est les monstres" est réellement une œuvre unique. L' "œuvre d'une vie" tant on sent que ce gros pavé de 800 pages est le résultat d'années de conception et d'écriture (6 ans d'écriture).
Je continue quelque part à penser que ce n'est pas forcément le type de BD que je préfère... mais j'ai vraiment apprécié plonger dans cette œuvre. J'ai hâte de la relire et encore plus... de pouvoir lire la suite.
Vivement le deuxième tome !
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Créée
le 25 févr. 2019
Critique lue 145 fois
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