Souvent l’introduction des Aventures Extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec est un extrait au rythme parfait, un peu lent. Tardi prend son temps autant que possible, avant de nous ramener vers son héroïne. C’est le cas ici avec la promenade nocturne de Choupard, personnage secondaire ô combien important de la narration de Tardi puisque la séquence reviendra dans l’album – et le lecteur y apprécie, de plus, de belles phrases :
La proximité des chefs-d’œuvre que renferme la noire bâtisse lui
réchauffe son cœur de petit bourgeois épris de culture.
La très belle mise en scène du cadavre à tête de bouc sous l’arc du carrousel clôt alors la belle introduction. Suivent, page suivante, trois cases d’Adèle, deux cases de Thomas Rove et une case de Félicien Mouginot : trois personnages en parallèle, et
l’art d’introduire subrepticement les multiples protagonistes du volume.
En arrière-plan, dans les cases d’Adèle, un jeu discret avec la momie qui s’éveille, facétieuse, sans qu’Adèle ne le remarque pleinement.
Il y a là plus que dans les précédents épisodes, un rythme et une construction qui promettent une intrigue riche, un mystère qui, s’installant, nous pousse à tourner les pages.
Les habituels rendez-vous nocturnes pour accidents manqués sont de plus en plus impressionnants, jusqu’au départ du Titanic, sur une magnifique et impressionnante case d’une demi-page, commentée
Pourquoi cette anecdote, lecteur tu comprendras plus tard.
(Tardi confirme directement au lecteur son goût prononcé des jeux de mystères). Départ du Titanic donc, pour amener rien de moins qu’une troisième tentative de meurtre sur l’héroïne – un peu gros. L’habituel excellent trait du dessinateur Tardi convie le lecteur à une agréable et surprenante visite des pyramides de Paris, du cimetière du Père Lachaise au Parc Monceau.
Mais le scénario s’avère un nouveau complot alambiqué, reprenant encore les éléments des précédentes aventures, et continuant toujours d’épaissir le(s) mystère(s) autour d’Adèle.
Plus on en apprend, moins on en sait
tant il y a constamment de nombreux enjeux qui se chevauchent, certains n’apparaissant même qu’à la conclusion souvent chaotique de l’épisode.
Le sent-il Tardi, qui, sur fond de première guerre mondiale, achève son héroïne d’un profond coup de couteau au ventre dans les dernières cases ? Sent-il que malgré
le sublime dessin et l’art documentaire,
le lecteur se perd autant que lui dans les nombreux fils de ses intrigues ?