Nijigahara Holograph est un one-shot qui confirme le talent d’Inio Asano pour ce format. Vous le savez déjà ? Tant mieux pour vous ! Mais que cela ne vous empêche pas de venir vous enfoncer dans un tunnel sombre où nous attendent brimades scolaires, déni du passé, cadavres et papillons... mais pas de Grippe-Sou le clown.
Nijigahara Holograph : quésaco ?
Si on essaye de traduire grossièrement le titre on obtient « holographie du champ de l’arc-en-ciel ». Le champ de l’arc-en-ciel fait référence au lieu central du récit (un champ accolé à un tunnel, non loin d’une école) où de multiples événements vont se dérouler. Un endroit qui « n’est pas vraiment chargé de bons souvenirs » mais parfois, on peut y être émerveillé par un coucher de soleil.
Mais Nijigahara peut se lire différemment et signifier le « champ des deux enfants », en lien avec une légende urbaine locale mêlant des yōkai, de mauvais présages et des jumeaux. Spoiler : de mauvais présages et de jumeaux il sera question dans ce one-shot.
Le second terme du titre, « holographie » vient du grec et signifie « tout représenter ». Nijigahara Holograph contient donc l’idée de représenter tout ce qui concerne le champ de l’arc-en-ciel/des deux enfants. Bingo : le récit dévoile à la fois ce qui se passe et s’est passé dans ce champ mais aussi comment ces événements débordent ce cadre physique et poursuivent les personnages.
Un manga à lire avec des ciseaux ?
Pour nous raconter cette histoire le récit emprunte une structure particulière. Deux prologues pour commencer, suivis de 12 chapitres et d’un épilogue. Le récit met en jeu deux périodes de 11 ans d’écart. Les chapitres alternent entre passé et présent (même si les deux temporalités peuvent se retrouver au sein d’un même chapitre) tout en étant centré sur un personnage. Tous les personnages entretiennent des liens (forts/faibles, récents/anciens, amicaux/inamicaux…) et toutes les pièces finissent par s’emboîter.
Que forment-elles ? Le manga évoque des enfants qui grandissent, des adultes aux prises avec leurs problèmes. Au fil des pages, il sera alors question de rejet (les enfants peuvent être horribles vous savez ?), de violences, de séparations, d’histoire de monstre, de meurtres, de rêves. Avec une boîte magique en prime et un peu d’amour aussi. Le jeu d’échos entre les faits passés et présents montre que les premiers laissent des marques chez les individus. Malheur à celles et ceux qui ne parviennent pas à s’en dépatouiller.
Les papillons sont peut-être les meilleurs représentants de cette situation. Outre une augmentation de leur population qui inquiète, ils manifestent les esprits des morts. Réels ou imaginaires, ils symbolisent le déclenchement de plusieurs événements d’ampleur dans le récit. L’attitude des personnages à leur encontre est révélatrice de qui ils sont.
Des ténèbres vers la lumière ?
Récapitulons : un récit distribué selon différentes périodes et personnages, des actes tragiques dont les conséquences perdurent. Rien de bien réjouissant n’est-ce pas ? Le jeu Hana Ichi Monme représente bien cela. Un jeu pour enfants qui aboutit à rejeter et marginaliser ceux avec qui on ne possède pas d’affinités. Un puits peut rendre bien des services pour évacuer ces indésirables. Puits qui conduit dans des ténèbres débouchant sur un tunnel jouxtant le champ de Nijigahara…
On aurait alors bien envie d’oublier les événements traumatiques, se réfugier dans un rêve ou dans le déni de la réalité. Mais cette échappatoire est refusée. Vous le verrez à travers les parcours de plusieurs personnages principaux qui sont autant de voies à emprunter en fonction du rapport que l’on entretient à ses actes passés. Fuir n’est pas une solution.
Le message central du récit peut alors nous apparaître, tel un papillon éclairant un tunnel sombre : « souviens-toi que peu importe l’absurdité du monde tu devras faire preuve d’une volonté à toute épreuve ! Tu es libre de décider ce que tu feras de ta vie ! »
La force de la volonté
Nijigahara Holograph n’est donc pas un récit désabusé. Ce one-shot dense emprunte à la fois des thèmes déjà aperçus chez Asano, en même temps que des références littéraire, mythologiques pour bâtir un thriller où Dieu n’existe pas, avec ses moments de ténèbres mais aussi de lumière, où le mot de la fin peut revenir à cette dernière, sous certaines conditions.
P.S.1: Une analyse plus détaillée (et foutraque) + illustrée est à retrouver ici.
P.S.2 : la citation qui sert de titre à cet avis est tirée de Bonne nuit Punpun.