"Je suis livreur de menhirs
Et j'ne peux vraiment pas rire
Le grand marché du menhir
Ne me laisse pas de temps libre
Mais tout ce très long travail
Me fait vraiment beaucoup d'mal
Car je n'ai plus un ami
Que dois-je faire de ceci?
Je travaille rapidement
Pour être le plus important
Des amis je n'en ai plus
Je suis riche mais perdu
Je suis livreur de menhirs
Et j'ne peux vraiment pas rire
Le grand marché du menhir
Ne me laisse pas de temps libre"
Obélix et Compagnie ou la critique du capitalisme pour les enfants. Que faire face à des gaulois mettant des baffes aux légions romaines chaque fois que celles-ci les attaquent? Et bien, tout simplement en faire des décadents afin qu'ils fassent autre chose que se battre.
C'est là que le romain Caius Saugrenus entre en jeu. Etant plein d'ambitions commerciales, il va pousser tout le village, Obélix le premier, à faire des menhirs et les acheter engendrant ainsi une corruption cupide au coeur du village gaulois.
Alors qu'il était réduit au rôle de meilleur ami de héros pas futé, Obélix prend ici une importance intéressante en se laissant berner par le commerce de menhirs devenu florissant.
Et ce n'est pas tout. Obélix et Compagnie rit au nez de l'économie, non seulement à travers Caius Saugrenus étant une caricature de Chirac, mais également en se moquant de l'offre et de la demande en donnant de l'importance à un produit ne servant à rien afin de se remplir les poches de façon facilement déconcertante.
César lui-même en reste béât quand Saugrenus le pousse à revendre les menhirs achetés à travers des échanges commerciaux que les plus jeunes et les non-familiers avec l'économie auraient bien du mal à comprendre.
Une preuve que Goscinny savait s'adresser aussi bien aux enfants qu'aux adultes à travers ses oeuvres.
En dehors de ça, Obélix et Compagnie est la parfaite illustration du fameux proverbe "L'argent ne fait le bonheur." Obélix s'éloignant tristement de son ami de toujours et de son petit chien à force d'être occupé à fabriquer des menhirs, monter une entreprise nommée Obélix et Compagnie et finissant moralement seul n'étant plus entouré que d'employés et non plus de contacts humains chaleureux. Sans compter le fait que tout le village s'y mets également par pure jalousie et envie de se sentir aussi importants que le tailleur de menhirs.
Mais rassurez-vous, cet album restant une oeuvre familiale, il n'y a pas que du contenu compliqué et de l'avarice dangereuse. L'introduction avec un Astérix trollant les romains pour les mener jusqu'à Obélix afin de lui faire un joli cadeau d'anniversaire est très drôle, la moquerie du langage des hommes d'affaires "y en parler toujours ça" est hilarante sans compter la sentinelle du Camp de Babaorum passant du sérieux...
C'est la relève.
...au blasé...
Hé les cocos, y a un autre rigolo.
...et d'autres perles dans le genre font bien ricaner.
Tout ça pour dire que cet album est pleins de qualités plus qu'appréciables qu'il en devient immanquable.
Cependant, il a toutefois des défauts difficiles à ignorer.
En effet, Astérix est passif durant une bonne partie de l'histoire se contentant d'être plus un observateur qu'autre chose. Ce n'est que très tard dans l'histoire qu'il finit par agir avec sa ruse et sa malice habituelle alors qu'il aurait pu le faire plus tôt.
De plus, bien que ce ne soit pas directement un défaut de Obélix et Compagnie mais de celui d'une incohérence que créa l'album Astérix et Latraviata des années plus tard dans les aventures d'Astérix, il a été révélé qu'Astérix et Obélix sont nés le même jour. Hors, ce n'est pas le cas dans ce tome où Obélix fête son anniversaire sans qu'il n'y soit fait une quelconque mention d'un anniversaire d'Astérix.
Décidément, Uderzo et la cohérence faisaient deux.
Néanmoins, Obélix et Compagnie est un album très réussi et il est dommage qu'il soit autant négligé par les lecteurs alors que c'est l'un de ceux étant le mieux écrit de la BD.
Lisez-le et parlez-en absolument autour de vous.