Après QRN sur Bretzelburg, Franquin fait une pause de SPIROU & FANTASIO, autorisée auprès de la direction du journal par ses récents soucis de santé. En 1964, il illustre "Les Robinsons du rail" puis il fournit un court récit mettant en scène le cousin du Marsupilami dans "La Cage" (cf. Tembo Tabou). Il revient à la série en 1965-66 avec "Bravo les Brothers" qui est en fait une histoire de GASTON déguisée dans laquelle intervient Spirou. Si c’est une des préférées de son auteur (sans doute parce que son personnage est omniprésent par rapport à Spirou, dont il ne sait plus quoi faire et qu’il déteste désormais cordialement), cette histoire correcte n’est pourtant pas aussi hilarante qu’annoncée tant on ne sait si on a affaire à une histoire de SPIROU ou de GASTON. C’est un genre de production hybride qui fait certes plaisir à découvrir mais qui laisse une impression mitigée. C’est trop léger pour du SPIROU & FANTASIO et trop long pour du GASTON. Mais c’était une manière détournée pour Franquin de brocarder des personnages qu’il traînait depuis 20 ans et qui finissaient vraiment par lui sortir par les yeux.
Il cessera définitivement de prendre des gants avec Panade à Champignac paru en 1967-68. Cette histoire grotesque et scatologique ridiculise les personnages et Franquin ne se prive pas de leur en faire voir de toutes les couleurs. Quelques gags fonctionnent (les passages sans Spirou & Fantasio : Otto Paparapap, le commissariat, le noble qui "entretient" ses voitures de collection) mais, pour reprendre une comparaison simple, on est plus proche de La Soupe aux choux que du Corniaud. Les héros passent l'album à torcher Zorglub ou à lui faire faire son rot, quand ils ne lui courent pas après. Le trait de Franquin a évolué ; magistral, il est plus dynamique et plus rond et les personnages sont moins raides et plus trapus. Caractéristique de ce qu’il produira tout au long des années 1970. Spirou est également débarrassé de sa tenue traditionnelle pour mieux coller à son époque, ce qui sera repris par les successeurs dans leurs propres aventures, mais pas forcément pour les animations du journal. D'où la consternation de voir les auteurs des années 2010 revenir à cette anachronique livrée de groom.
Tous ces éléments (vision personnelle du personnage et de son univers, son nouveau look et le style graphique), me font considérer Panade à Champignac comme le tome zéro des SPIROU VU PAR..., 40 ans avant la création de cette série parallèle.
En 1968, année des révolutions sociales, Franquin se fait une joie de quitter le navire après quelques histoires courtes du Marsupilami en une ou deux planches (cf. Tembo Tabou, Capturez un marsupilami) et passe la main au jeune Fournier. Il restera toutefois présent pour la mise à l’étrier de celui-ci en lui prêtant le Marsupilami le temps d'une histoire.